Dimanche 06 août 2017 - La Transfiguration
Frères et sœurs, avant de regarder de
plus prêt l’événement de la transfiguration où nous contemplons de manière
furtive la gloire habituellement cachée de la divinité du Seigneur, il est très
importante d’en situé le contexte, pour en mieux comprendre le sens et la
finalité.
Les trois évangiles synoptiques
s’accordent pour placer cet épisode au tournant du ministère de Jésus. Au
début, les foules ont suivi Jésus mais elles se sont trompées totalement sur sa
mission. La multiplication des pains a mis en lumière le malentendu, avec la
tentative de faire de Jésus un « roi » terrestre.
Jésus n’a pas réussi à faire accéder
les foules à la vraie foi. Au même moment, les responsables religieux de son
temps le refuse, au nom même de la bonne doctrine traditionnelle : scribes et
pharisiens ne cessent de lui
tendre des pièges et de l’accuser de détruire la religion (Mt 12,2 – 12,14 – 12,24 – 12,38 – 15,2 – 16,1 – 16,6).
Constatant l’échec « apparent »
de sa prédication sur les foules, Jésus se concentre désormais sur la formation
de ses disciples. Au petit groupe des « douze », il annonce la grande épreuve qui va arriver.
Il a fui la Palestine, où l’ambiance est désormais dangereuse, pour se réfugier
au Liban, vers Césarée de Philippe. Là,
à l’écart des foules et des scribes, il a suscité la « profession de foi » de
Pierre... puis, immédiatement, il a dit: « il faut que j’aille à Jérusalem... souffrir beaucoup de
la part des anciens, des grands prêtres et des scribes, être mis à mort, et le
troisième jour ressusciter»
(Mt 16,21).
Pierre, lui aussi,
tente à nouveau Jésus en refusant cette perspective de la mort. Alors, Jésus le
reprend vivement et promet que la
« gloire
» viendra,
effectivement, mais après la croix : «Car
le
Fils de l’homme va venir avec ses anges dans la Gloire de son Père...» (Mt 16,27-28).
C’est donc frères et sœurs, dans ce
contexte tragique qu’intervient l’événement de la Transfiguration que nous venons
d’entendre.
Six jours après, Jésus prend avec lui
Pierre, Jacques et Jean son frère, et il les emmène à l’écart sur une haute
montagne.
Imaginons la scène sous nos yeux, Jésus
et ses 3 apôtres sur un sentier de montagne ; la plaine s’éloigne, en
bas ; les foules sont loin désormais ; l’air devient plus vif et
frais. Bienheureuse solitude des cimes
où le silence favorise la rencontre avec Dieu.
Nous pouvons déjà nous interroger, en
cette période estivale, ai-je commencé à me donner des temps de solitude ?
Ai-je pris le temps de respirer le bon air de la prière, du cœur à cœur avec
Dieu ? Or nous savons aussi que la montagne est un thème théologique cher
à l’évangéliste Matthieu. Montagne des tentations (Mt 4,8). Montagne des
béatitudes et de la Loi nouvelle (Mt
5,1
).
Montagne de la multiplication des pains (Mt
15,29). Montagne du
dernier adieu du ressuscité (Mt
28,16). Interrogeons-nous
simplement pour savoir si nous sommes attentifs à privilégier nos lieux de
rencontres avec Dieu ?
Il fut transfiguré devant eux : et son
visage devint brillant comme le soleil, et ses vêtements blancs comme la
lumière...
Matthieu, plus que les deux autres
évangélistes, parle de « lumière ».
Depuis toujours, on a remarqué que les
«trois» apôtres qui ont eu le privilège de cette «vision» surnaturelle... sont les
«trois» mêmes qui devront affronter de plus près la défiguration» de Jésus en
son agonie à Gethsémani (Mt
26,37). Jésus leur donnait
ainsi, à l’avance, une expérience de sa gloire à venir, pour essayer de les prémunir
contre le scandale de son abaissement.
Pierre alors prit la parole et dit à
Jésus : « Seigneur, il est heureux que nous soyons ici ! Si tu le veux, je vais
dresser ici trois tentes, une pour toi, une pour Moïse et une pour Élie.»
Pierre, dont la primauté vient d’être
reconnue, « six jours » plus tôt, après sa profession de foi..., prend la
parole et dit : un « je » ! Plein d’assurance, spontané, généreux.
Tout à la joie de cet événement céleste,
Pierre voudrait faire durer cet instant de bonheur et de gloire : « Je
vais dresser des tentes...» Nous aussi, frères et sœurs, sommes bien
tentés, à la suite de Pierre, de capter ces moments furtifs de bonheur et de
vouloir qu’ils durent !
Mais
le texte nous dit : il
parlait encore et VOICI qu’une nuée lumineuse les couvrit de son ombre. Cette
«nuée», symbole de la présence de Dieu (Ps 18,12 - Ex 40,34.35 - 1R 8,10.12), vient pour ainsi dire couper la parole à Pierre. Ce n’est pas Pierre qui
construira une maison pour Dieu, c’est Dieu qui vient construire sa demeure, en
nous donnant l’Esprit-Saint, symbolisé ici par la nuée.
Or, nous pouvons peut-être nous étonner
de cette incohérence curieuse : une nuée « lumineuse » qui « fait de l’ombre »
! Nous sommes là, une fois de plus, devant un langage symbolique. Le verbe « couvrir
de son ombre » n’apparaît que deux fois dans tout le Nouveau Testament : ici (à la Transfiguration) et au jour de
l’Annonciation, quand l’Esprit-Saint « couvre Marie de son ombre » (Lc 1,35). Selon les
exégètes, ce mot fait allusion à l’un des mots hébreux les plus prestigieux :
la « shékinah » qui signifie la « Demeure », la « Présence de Dieu ».
Et
de la nuée, VOICI une voix disant: « Celui-ci est mon Fils bien-aimé, en qui
j’ai mis tout mon amour, écoutez-le ! »
Cette « voix » divine renouvelle la
révélation du Baptême de Jésus : Jésus est « plus » qu’un homme, il est le Fils unique, le bien-aimé du Père.
Mais ce qui avait été dit, dans l’intimité, le pour du baptême de Jésus... est
redit cette fois aux disciples avec une conséquence nouvelle : « écoutez-le ! »
Demandons au Seigneur, en cette période
estivale, de nous aider à nous mettre nous aussi à son écoute, que nous
sachions prendre le temps de méditer et découvrir dans sa Parole ce qu’Il attend
de chacun de nous...
Que le Seigneur nous apprenne à travers
cette écoute bienveillante de sa Parole à découvrir comment réaliser « la
volonté de son Père » comme Lui-même aimait la découvrir dans ses
colloques solitaires sur la montagne.
Entendant cela, les disciples tombèrent
la face contre terre et furent saisis d’une grande frayeur. Jésus s’approcha,
les toucha, et leur dit : « Relevez- vous et n’ayez pas peur ! »
En se « prosternant la face contre
terre » (mot cher à Matthieu), les disciples reconnaissent qu’ils sont devant
une manifestation divine : et c’est un réflexe religieux de l’homme mis en
présence du sacré ! L’adoration !
Est-ce que je sais adorer ? C’est l’acte suprême de l’homme. Vivre. Aimer. Adorer. L’homme n’est pas
fait pour se replier sur lui-même. Il est fait pour s’ouvrir à « l’autre » par
l’amour. Et son achèvement s’opère quand
il s’ouvre au « Tout Autre » par l’adoration. Et cela prend toujours la
forme d’une sorte d’anéantissement de soi : il faut se renoncer, mourir à
soi-même, pour « aimer » l’autre.
Mais si l’homme s’anéantit, face contre
terre, à l’approche de Dieu, nous voyons Jésus « s’approcher... toucher...
relever » ses amis. Gestes, à la fois, d’amour et de puissance divine.
Levant les yeux, ils ne virent plus que
lui, Jésus, seul. En descendant de la montagne, Jésus leur fit cette défense :
« Ne parlez à personne de cette Vision avant que le Fils de l’homme soit
ressuscité d’entre les morts.
Matthieu utilise le même mot grec, pour
dire que Jésus « relève ses amis » et pour dire que le Fils de l’homme
« ressuscitera ». Et si Dieu parle de la « nuée », ce n’est pas pour
écraser l’homme, comme mort, au sol... c’est pour le ressusciter !
En attendant, Pierre, Jacques et Jean
doivent redescendre de la montagne. Bien plus tard, Pierre vivra des journées
monotones, des journées dures, des échecs, des persécutions. Mais, toute sa
vie, il se souviendra de cet instant fugitif où «il a entendu cette voix venue
du ciel sur la montagne sainte » (II
P 1,16.18).
Chacune
de nos eucharisties est comme une halte rafraîchissante sur la montagne avec
Jésus. Mais, comme pour les apôtres, il nous faut repartir vers nos tâches
quotidiennes en gardant toujours en nous le souvenir de nos rencontres
dominicales avec Jésus...
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