Homélie du 15 octobre - Ste Thérèse d'Avila
Frères et sœurs, que dire sur Thérèse d’Avila ?
L’Église la canonisé en 1622 avec d’autres belles figures de sainteté comme
Saint Ignace de Loyola et St Philippe Néri, pour ne citer que ces deux là.
L’Église lui a aussi donné le titre de « Docteur de l’Église » en
1970 ce qui veut dire qu’elle a reconnu la qualité et l’exactitude de ses
écrits en rapport à la foi chrétienne. On peut donc la lire en toute confiance.
J’aimerai ce matin m’arrêter sur son
dernier écrit qui s’intitule : « Le Château intérieur » et qui
est son écrit le plus achevé de tous.
Pour ne pas être trop long, je passe
le contexte historique de cet écrit qui n’est pas sans intérêt.
Il faut tout de même savoir que cette
œuvre voit le jour à un moment de grande souffrance et d’humiliation pour la
réforme du Carmel engagé par Thérèse. Cependant, cette œuvre rend un témoignage serein et imposant à la beauté des
réalités intérieures. Thérèse semble avoir été dans une autre dimension de
l’espace et du temps dans la rédaction de ce manuscrit.
Thérèse voit notre âme comme un
château dans lequel il y a différents appartements. Et la porte par où l’on
entre dans ce château, c’est l’oraison.
Au deuxième chapitre des 1ères
demeures, Thérèse nous dit d’emblée que « nous n’arriverons jamais à bien nous connaître si nous ne nous
efforçons (pas) de (mieux) connaître Dieu. C’est en contemplant ses grandeurs
que nous découvrirons notre bassesse, c’est en envisageant sa pureté que nous
verrons nos souillures, c’est en considérant son humilité que nous
reconnaîtrons combien nous sommes loin d’être humbles. » (1D,Ch.2,9)
Dans les secondes demeures, Thérèse
met en garde ses sœurs : « Embrassez la croix que votre Epoux a
portée, et comprenez bien que c’est à cela que vous devez tendre. Que celle
d’entre vous qui pourra souffrir davantage pour son amour souffre davantage… »
(2D,Ch.1,7). Et Thérèse de rappeler que « l’unique ambition de celui qui
commence à faire oraison doit être de travailler
avec courage à rendre sa volonté conforme à celle de Dieu, de prendre toutes les résolutions, tous les
moyens nécessaires pour y arriver… » (2D,Ch.1,8) C’est pour Thérèse
« la perfection la plus haute que l’on puisse atteindre dans le chemin
spirituel » (2D,Ch.1,8).
Si dans les troisièmes Demeures,
Thérèse encourage ses filles à œuvrer pour le Bien aimé, elle ne veut pas pour
autant que nous soyons dans l’illusion. Elle dira donc à ses
sœurs : « Ne vous figurez pas que Dieu ait besoin de nos
œuvres ; ce qu’il lui faut, c’est
la détermination de notre volonté… » (3D, Ch.1,7) Et Thérèse de
conclure : « le meilleur est de
faire ce que prescrit notre Règle, c’est-à-dire de vivre toujours en silence et en espérance. Le Seigneur prendra soin
des âmes qui lui sont chères, et si nous avons soin de l’en supplier, nous leur
serons, sa grâce aidant, extrêmement utiles. » (3D, Ch.2,13)
Quand Thérèse aborde les quatrièmes
demeures, elle affirme avec force, avoir besoin de se recommander à
l’Esprit-Saint et lui demande de parler à sa place. Thérèse nous averti que
pour faire de grands progrès dans le chemin de l’oraison et monter à ces 4ème
demeures, « l’essentiel n’est pas de penser beaucoup, mais d’aimer
beaucoup » (4D, Ch.1,7) Et Thérèse anticipe sur le questionnement de ses
sœurs : « Peut-être ne savez-vous pas bien ce que c’est qu’aimer ?...
Eh bien aimer, ce n’est pas avoir beaucoup de goûts spirituels, c’est être
fermement résolu de contenter Dieu en tout, c’est faire tous ses efforts pour
ne pas l’offenser, c’est le prier sans cesse pour l’accroissement de l’honneur
et de la gloire de son Fils, pour l’exaltation de l’Église catholique. Voilà
les signes de l’amour » pour Thérèse.
On pourrait dire que l’entrée dans
les 4èmes demeures serait le passage de l’amour imparfait à l’amour
parfait. Thérèse nous le dit en ces termes : « La crainte de l’enfer cesse de nous agiter. Tandis que celle d’offenser
Dieu grandit en nous, la crainte servile disparaît et l’âme sent une grande
confiance de le posséder un jour… Autrefois, elle redoutait les croix,
maintenant elle les craint moins, parce que sa foi est plus vive ; elle
sait que si elle les reçoit pour l’amour de Dieu, sa Majesté lui donnera la grâce
pour les supporter patiemment. Parfois même, elle les appelle de ses vœux, tant
est vif son désir de faire quelque chose pour lui ».
Les 5èmes demeures nous
introduisent au seuil de l’union mystique : c’est l’union de l’âme humaine
avec le Christ. Alors, c’est vrai que nous ne faisons pas l’expérience de sa
présence comme nous faisons l’expérience et goûtons la présence d’un ami.
Toutefois, il est possible que survienne un moment de grâce qui nous introduise
à l’expérience de sa présence.
Dans cette 5ème demeure,
Thérèse introduit un nouveau symbole : celui du ver à soie qui renaît
papillon. Depuis les 4èmes demeure, c’est Dieu qui réalise son œuvre
en nous. Donc pour Thérèse, nous ne pouvons faire que les préparatifs,
c'est-à-dire « nous disposer ».
Comme le ver à soie, tisser le cocon, en « ôtant et déposant »,
c'est-à-dire en nous dépouillant de
notre égoïsme, de notre orgueil, de nos attachements déréglé et en « déposant »
notre volonté entre les mains de Dieu. N’oublions
pas que c’est Dieu qui se donne de lui-même par amour. L’homme ici a le
second rôle : c’est seulement lorsque le ver à soie meurt que lui est
accordé le miracle de renaître papillon. Rien de mortifère chez Thérèse quand
elle exalte la mort du « ver à soie », au contraire, la mort mystique
de l’homme est le plus grand triomphe sur la mort même.
La métamorphose du ver à soie en
papillon c’est un peu comme le passage des apôtres avant la résurrection, enfermé
au cénacle, à ces mêmes apôtres après la Pentecôte : ils n’ont plus peur
d’affronter le monde. Et pour le dire comme Thérèse : il appartient
maintenant au papillon de voler de fleur en fleur et de « répandre sa
semence pour que d’autres naissent ». Le
fruit essentiel des 5èmes demeures se manifestera dans notre
commencement à « vivre pour les autres ». A ceux qui résident
dans ces 5èmes demeures, il ne leur suffit plus de
« recevoir » et d’engranger les dons de Dieu, il leur faut aussi
rayonner et se dépenser.
Alors à l’entrée de la « terre
sainte » des 6èmes demeures, appelé aussi les
« fiançailles spirituelles », Thérèse se sent, une fois de plus, bien
incapable d’en parler. Thérèse nous parle dans ses demeures des grandes grâces
mystiques qu’elle a reçues. (Elle consacre pas moins de 11 chapitres pour en parler).
Nous pourrions être tentés de laisser tomber ces demeures et ne pas les lire en
pensant que cela ne nous concerne pas vraiment. Ce serait une mauvaise
tentation ! Il faut partir d’un principe transmis par nos anciens et
qui dit ceci : « La vie mystique joue le rôle de miroir
grossissant de notre vie chrétienne ordinaire ». Autrement dit, il
a été donné à Thérèse de toucher du doigt des choses que nous vivons dans
l’obscurité de la foi. Il n’est donc pas inutile de lire ces chapitres des 6èmes
demeures qui peuvent sans aucun doute nourrir notre foi.
Enfin, arrive ces 7èmes
demeures, le « mariage spirituel ». Ce mariage s’opère tout autrement que dans les ravissements et
l’oraison d’union où Dieu s’unit à l’âme d’une certaine manière. Dans ces 7èmes
demeures, « Dieu fait tomber les
écailles des yeux de l’âme afin qu’elle contemple, qu’elle comprenne, mais par
une voie extraordinaire, quelque chose des faveurs dont Dieu la gratifie ».
Et de quoi la gratifie-t-elle ? Rien de moins que la Trinité : « les
Trois Personnes divines se montrent distinctes à l’âme qui sait avec une
certitude absolue que toutes trois ne sont qu’une même substance, une même
puissance, une même science et un seul Dieu ». Ainsi, nous dit Thérèse,
« ce que nous croyons par la foi, l’âme…le perçoit ici par la vue ». C’est dans cette demeure finale que le
chrétien réussit l’unité entre son « être » et son « agir ».
De telle sorte que l’ « agir » n’est jamais déconnecté de
l’ « être ». Marthe et Marie peuvent marcher ensemble désormais.
La contemplation féconde les œuvres.
Si bien que notre agir fait partie de notre union au Christ.
C’est avec les paroles même de Thérèse
que je viens d’esquissé trop rapidement ces 7 demeures de notre château
intérieur qu’est notre âme et c’est avec Thérèse que je voudrais conclure mon
propos ce matin : « Ne
prétendons pas », nous dit Thérèse, « élever une tour sans lui donner
de fondements. Le Seigneur regarde
moins la grandeur de nos œuvres que l’amour avec lequel nous les accomplissons.
Si nous faisons ce qui dépend de nous, sa Majesté nous mettra de jour en jour à
même de faire davantage. Pour cela, il
nous faut ne pas perdre la foi dès les premiers pas, mais pendant la courte
durée de notre vie, nous devons offrir intérieurement et extérieurement à Notre
Seigneur le sacrifice qui est en notre pouvoir. Il l’unira, ce sacrifice, à
celui qu’il offrit pour nous au Père sur la croix, et sans regarder
l’insignifiance de nos œuvres, il leur donnera la valeur méritée par notre
amour ». Amen.
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