Homélie du 26 janvier 2020 - 3e TO


  
          Frères et Sœurs, la liturgie de ce dimanche nous invite à suivre Jésus au tout début de son ministère ; Jésus commence à prêcher l'Évangile (Mt 4) : une lumière se lève sur la Galilée, qui va illuminer le monde entier. Les ténèbres se dissipent peu à peu : la parole de Jésus résonne, forte et directe (« convertissez-vous »), ses actions miraculeuses attirent les foules, et son enseignement les fascine. Satan lui-même est détrôné, « Le Royaume des Cieux est tout proche » (v.17). En ces débuts de l'aventure du Royaume, Matthieu nous décrit deux « double vocations » : deux paires de frères sont appelées, l'une après l'autre. Le récit est d'une simplicité déconcertante, une succession rapide d'actions : Jésus passe, voit et appelle ; ces hommes étaient occupés, ils entendent et, ils le suivent. Exactement la même dynamique, par deux fois  mais les deux scènes diffèrent sur deux aspects qui se complètent :
-            Au premier appel (Pierre et André), Jésus déclare explicitement sa proposition : « Je vous ferai pêcheurs d'hommes » (Mt 4, 19). Lorsqu'il est passé sur le rivage, son regard a été pénétrant, et il a vu, bien plus, que des pêcheurs affairés à leur travail : Il a soupesé leurs cœurs et a réveillé leur générosité, au service du Règne de Dieu. C'est implicite dans la deuxième scène et ce sera ainsi dans toute vocation d'Église jusqu'à nos jours.
-           Alors que les premiers frères n'ont laissé que leurs filets, les seconds abandonnent « la barque et leur père » (v.22). Choquant pour qui connaît l'importance du quatrième commandement ! Jésus a l'audace de tout exiger pour le Règne, et Matthieu revient plusieurs fois, dans son Évangile, sur la division que l’appel de Jésus provoque dans les familles…
            C'est dans cette perspective que les quatre premiers appelés pourraient reprendre le psaume 27 que nous venons d’entendre : « Le Seigneur est ma lumière et mon salut ». En effet, alors que la piété d'Israël se réfugiait sous l'aile du Dieu du Sinaï qui intervient dans l'histoire, ils ont rencontré en Jésus « leur Seigneur », un homme qui manifeste dès le départ une prétention exorbitante sur leur vie. Ils ont assisté à ses premiers miracles, comme un lever de soleil dans les méandres de leur vie. Jésus a su les appeler en touchant leur cœur, et ils abandonnent tout, en se disant : « de qui aurais-je crainte, devant qui tremblerais-je ? »
            Le refuge du psalmiste était le Temple, la maison du Seigneur, où il fait bon vivre à l'abri des mauvais coups sous l'aile du Tout-Puissant ; les nouveaux apôtres quant à eux, au bord du lac de Tibériade, « demeurent avec Jésus » (cf. Jn 1, 39), abrités par le cœur même de Dieu qui commence à battre publiquement ; nous verrons dans tout l'Évangile comment se construit cette nouvelle « maison du Seigneur », l'Église, dont ils sont les fondements. Il ne s'agira pas seulement pour eux d'habiter la maison du Seigneur tous les jours de leur vie, mais d'offrir leur vie en sacrifice pour la construire.   
            Enfin, ils auront l'occasion de voir « les bontés du Seigneur », à travers les gestes de Jésus, et ils en feront part aux nouvelles communautés chrétiennes : la « terre des vivants » est bien la terre foulée par le Christ, mais c'est encore plus le Ciel où il nous attend désormais.
            La liturgie nous le fait désirer en nous exhortant ainsi : « Espère le Seigneur, sois fort et prends courage ; espère le Seigneur » (v.14).
            Désormais, Jésus inaugure le Royaume en choisissant des disciples d'un nouveau profil : ni prophètes, ni ascètes, ni docteurs de la Loi mais des gens simples occupés par leur métier... Jésus nous expliquera lui-même, plus loin dans l’évangile, la raison de son choix : « On ne met pas du vin nouveau dans des outres vieilles ; autrement, les outres éclatent, le vin se répand et les outres sont perdues. Mais on met du vin nouveau dans des outres neuves, et l’un et l’autre se conservent » (Mt 9, 17). La nouveauté du Royaume est donc radicale, et l'appel est tout aussi rude : à la différence des rabbins de l'époque, qui fondaient une école et attendaient que les disciples viennent à eux, Jésus choisit lui-même avec soin ses apôtres et exige tout d'eux, dès le départ. « Aussitôt, laissant la barque et leur père, ils le suivirent... » (v.22). Matthieu, en décrivant cette scène, se rappelle certainement du moment où la radicalité de Jésus est venue bouleverser sa vie, et le récit de sa vocation suit exactement la même dynamique : « Étant sorti, Jésus vit, en passant, un homme assis au bureau de la douane, appelé Matthieu, et il lui dit : 'Suis-moi !' Et, se levant, il le suivit. » (Mt 9, 9).
            Aujourd'hui le Christ adopte la même « stratégie » pour son évangélisation : « Il parcourait toute la Galilée, enseignant dans leurs synagogues, proclamant la Bonne Nouvelle du Royaume et guérissant toute maladie et toute langueur parmi le peuple » (v.23) : son Église continue à parcourir tous les sentiers de l'humanité, dans tant de pays ; son enseignement brille dans le monde comme la lumière dans les ténèbres ; nos liturgies proclament la Bonne Nouvelle, tandis que le Christ, par elle, libère les hommes de l'emprise du Mauvais. Pour cela, il continue à appeler des hommes et des femmes pour le suivre totalement, recevoir une expérience profonde de communion avec lui, et porter sur leurs épaules les joies et les charges de son Église. Chaque prêtre, chaque âme consacrée se souvient avec émotion des circonstances de sa vocation, comme un lointain rivage de Galilée où le Christ est passé et lui a demandé d'abandonner les filets de ses projets humains et de ses occupations légitimes. Et par une consécration totale, il y a nécessairement des renoncements vis-à-vis de la famille et des amis mais aussi à renoncer à fonder une famille humaine.
            Si la vocation naturelle de l’homme, vocation voulu par Dieu, est de quitter son père et sa mère pour s’attacher à sa femme, Dieu peut aussi susciter un appel plus radical dans le cœur des croyants et en appeler certain à répondre à une vocation qui sera dite « surnaturelle » et qui les amènera, comme les apôtres aujourd’hui à quitter leur famille pour s’attacher à Jésus en vue de servir son épouse, l’Église.
            Demandons ce matin au Seigneur d’envoyer des ouvriers pour sa moisson, que l’Esprit Saint qui habite le cœur des baptisés aide les jeunes appelés par Dieu à répondre généreusement  comme l’on fait si spontanément ses premiers apôtres. N’oublions pas que c’est à travers l’offrande de la vie des prêtres, et par l’accomplissement de leur ministère, que Jésus tient sa promesse au fil des siècles et la tiendra jusqu’à son retour : « Je suis avec vous tous les jours jusqu’à la fin du monde » (Mt 28,20)                                                                                                                      AMEN.

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