Homélie du 26 janvier 2020 - 3e TO
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Au premier appel (Pierre et André),
Jésus déclare explicitement sa proposition : « Je vous ferai pêcheurs d'hommes » (Mt 4, 19).
Lorsqu'il est passé sur le rivage, son regard a été pénétrant, et il a vu, bien
plus, que des pêcheurs affairés à leur travail : Il a soupesé leurs cœurs et a réveillé leur générosité, au service du
Règne de Dieu. C'est implicite dans la deuxième scène et ce sera ainsi dans
toute vocation d'Église jusqu'à nos jours.
- Alors que les premiers frères n'ont
laissé que leurs filets, les seconds abandonnent « la barque et leur père » (v.22). Choquant
pour qui connaît l'importance du quatrième commandement ! Jésus a l'audace de
tout exiger pour le Règne, et Matthieu revient plusieurs fois, dans son
Évangile, sur la division que l’appel de Jésus provoque dans les familles…
C'est dans cette perspective que les quatre premiers
appelés pourraient reprendre le psaume 27 que nous venons d’entendre : « Le
Seigneur est ma lumière et mon salut ». En effet, alors que la
piété d'Israël se réfugiait sous l'aile du Dieu du Sinaï qui intervient dans
l'histoire, ils ont rencontré en Jésus « leur
Seigneur », un homme qui
manifeste dès le départ une prétention exorbitante sur leur vie. Ils ont
assisté à ses premiers miracles, comme un lever de soleil dans les méandres de
leur vie. Jésus a su les appeler en touchant leur cœur, et ils abandonnent
tout, en se disant : « de qui aurais-je
crainte, devant qui tremblerais-je ? »
Le refuge du psalmiste était le Temple, la maison du Seigneur, où il fait bon vivre à
l'abri des mauvais coups sous l'aile du Tout-Puissant ; les nouveaux apôtres
quant à eux, au bord du lac de Tibériade, « demeurent
avec Jésus » (cf. Jn 1, 39), abrités par le cœur même de Dieu qui
commence à battre publiquement ; nous verrons dans tout l'Évangile comment se
construit cette nouvelle « maison du Seigneur
», l'Église, dont ils sont les
fondements. Il ne s'agira pas seulement pour eux d'habiter la maison du Seigneur tous les jours de
leur vie, mais d'offrir leur vie
en sacrifice pour la construire.
Enfin, ils auront l'occasion de voir « les bontés du Seigneur », à travers les
gestes de Jésus, et ils en feront part aux nouvelles communautés chrétiennes :
la « terre des vivants » est bien la
terre foulée par le Christ, mais c'est encore plus le Ciel où il nous attend
désormais.
La liturgie nous le fait désirer en nous exhortant ainsi
: « Espère le Seigneur, sois fort et prends
courage ; espère le Seigneur » (v.14).
Désormais, Jésus inaugure le Royaume en choisissant des
disciples d'un nouveau profil : ni prophètes, ni ascètes, ni docteurs de la Loi
mais des gens simples occupés par leur métier... Jésus nous expliquera lui-même,
plus loin dans l’évangile, la raison de son choix : « On ne met pas du vin nouveau dans des outres
vieilles ; autrement, les outres éclatent, le vin se répand et les outres sont
perdues. Mais on met du vin nouveau dans des outres neuves, et l’un et l’autre
se conservent » (Mt 9, 17). La
nouveauté du Royaume est donc radicale, et l'appel est tout aussi rude : à
la différence des rabbins de l'époque, qui fondaient une école et attendaient
que les disciples viennent à eux, Jésus choisit lui-même avec soin ses apôtres
et exige tout d'eux, dès le départ. « Aussitôt,
laissant la barque et leur père, ils le suivirent... » (v.22). Matthieu,
en décrivant cette scène, se rappelle certainement du moment où la radicalité
de Jésus est venue bouleverser sa vie, et le récit de sa vocation suit
exactement la même dynamique : « Étant sorti, Jésus
vit, en passant, un homme assis au bureau de la douane, appelé Matthieu, et il
lui dit : 'Suis-moi !' Et, se levant, il le suivit. » (Mt 9, 9).
Aujourd'hui le Christ adopte la même « stratégie » pour
son évangélisation : « Il parcourait toute la
Galilée, enseignant dans leurs synagogues, proclamant la Bonne Nouvelle du
Royaume et guérissant toute maladie et toute langueur parmi le peuple »
(v.23) : son Église continue à parcourir tous les sentiers de l'humanité, dans
tant de pays ; son enseignement brille dans le monde comme la lumière dans les
ténèbres ; nos liturgies proclament la Bonne Nouvelle, tandis que le Christ,
par elle, libère les hommes de l'emprise du Mauvais. Pour cela, il continue à appeler des hommes et des femmes pour le
suivre totalement, recevoir une expérience profonde de communion avec lui, et
porter sur leurs épaules les joies et les charges de son Église. Chaque
prêtre, chaque âme consacrée se souvient avec émotion des circonstances de sa
vocation, comme un lointain rivage de Galilée où le Christ est passé et lui a
demandé d'abandonner les filets de ses projets humains et de ses occupations
légitimes. Et par une consécration totale, il y a nécessairement des
renoncements vis-à-vis de la famille et des amis mais aussi à renoncer à fonder
une famille humaine.
Si la vocation naturelle de l’homme, vocation voulu par
Dieu, est de quitter son père et sa mère pour s’attacher à sa femme, Dieu peut
aussi susciter un appel plus radical dans le cœur des croyants et en appeler
certain à répondre à une vocation qui sera dite « surnaturelle » et
qui les amènera, comme les apôtres aujourd’hui à quitter leur famille pour s’attacher
à Jésus en vue de servir son épouse, l’Église.
Demandons ce matin au Seigneur d’envoyer des ouvriers
pour sa moisson, que l’Esprit Saint qui habite le cœur des baptisés aide les jeunes
appelés par Dieu à répondre généreusement
comme l’on fait si spontanément ses premiers apôtres. N’oublions pas que
c’est à travers l’offrande de la vie des prêtres, et par l’accomplissement de
leur ministère, que Jésus tient sa promesse au fil des siècles et la tiendra
jusqu’à son retour : « Je suis avec vous tous les jours jusqu’à la
fin du monde » (Mt 28,20) AMEN.
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