Homélie du 05 janvier 2020 - Epiphanie


Jésus était né à Bethléem au temps du roi Hérode le Grand…
Frères et sœurs, Tels sont les seuls mots, bien courts, par lesquels l’évangéliste Matthieu parle de Noël. C’est peu ! En fait, Matthieu , à la différence de Luc s’intéresse très peu à l’évènement en temps que tel. Matthieu cherche davantage à donner la « signification » de cette naissance et il nous livre cette signification dans le récit des mages… qui lui est extrêmement développé, et qui se présente, si l’on y prête attention, comme une sorte d’introduction à tout l’évangile selon saint Matthieu.
Au temps du roi Hérode, voici que des mages venus d’Orient arrivèrent à Jérusalem et demandèrent : « Où est le Roi des Juifs qui vient de naître ? »
Matthieu rapproche, comme deux éléments explosifs, les deux titres : le roi Hérodele roi des Juifs… Cette question, que ces Mages étrangers allaient répétant dans les rues de Jérusalem, devait sonner aux oreilles des juifs comme un cruel sarcasme. On comprend quelle troubla le soupçonneux Hérode car on sait par l’histoire qu’il passa toute sa vie dans la hantise de perdre son pouvoir, et qu’il voyait des complots partout, ne passant sa vie que dans des « forteresses », et faisant tuer ses trois fils, sa belle-mère et jusqu’à sa propre femme. Voilà pour « l’histoire ».
Mais la signification que Matthieu donne à ce titre de « Roi des Juifs » est beaucoup plus profonde ; le « Royaume des cieux » sera l’un de ses thèmes favoris. Matthieu, dès le départ, annonce le Roi de ce Royaume. Dès cette première page d’évangile, il y a une couronne royale en litige : qui est réellement « roi » des juifs ? Hérode, le potentat puissant, meurtrier et violent ? Ou bien Jésus, ce petit, faible, désarmé, qui mourra victime innocente ?
C’est à la dernière page de son évangile, selon un procédé d’inclusion littéraire très habituel en littérature sémitique, que Matthieu redonnera à Jésus ce titre de « roi des Juifs ».
« Salut, roi des juifs ! » diront les soldats (Mt 27,29). « Celui-ci est le roi des juifs » fera inscrire Pilate au-dessus de la tête de Jésus crucifié, pour indiquer le « motif de sa condamnation » (Mt 27,37). « S’il est roi d’Israël, qu’il descende de la croix » s’esclafferont tous les scribes et grands prêtres (Mt 27,37).
Dès sa naissance, nous suggère Matthieu, Jésus n’est qu'un roi humble, image du « Serviteur souffrant » d'Isaïe, ce « roi qui ne montera que sur un âne » (Mt 21,5) pour son triomphe passager des rameaux, ce roi qui n'est pas venu « pour être servi, mais pour servir » (Mt 20,28), et qui demandera à ses amis de « ne pas dominer, mais de se faire serviteurs » (Mt 20, 25.26). La royauté de ce roi-là n'est pas de ce monde, elle ne ressemble en rien à celle d'Hérode : elle ne se dévoile paradoxalement que dans sa Passion. Que mettons-nous sous ces mots répétés dans notre prière : « Que Ton Règne vienne ! »...
Nous avons vu se lever son étoile.
Il y a dans le thème de l'étoile, toute une signification, que saint Pierre explicitera quand il parlera de la Foi comme de « l'étoile du matin qui se lève dans nos cœurs » (2 P 1,19). Cette étoile représente la lumière de Dieu, la grâce de Dieu, l'action de Dieu dans le cœur et l'esprit de tout homme, et qui guide tout homme vers le Christ. Oui, Dieu regardait avec amour les mages païens qui marchaient vers Jésus. Dans ma vie, il y aussi une grâce qui me guide vers la découverte de Jésus. Est-ce que j'ai le courage de la suivre jusqu'où elle me conduit ? Guide-moi, douce lumière... un pas, rien qu'un pas... vers Toi !
Et nous sommes venus nous prosterner devant lui...
« Se prosterner ! » Ce verbe, utilisé trois fois dans cette page par Matthieu, indique l'attitude profonde de ces mages païens. Ils viennent pour « adorer».
Et moi ? Est-ce que je me prosterne parfois devant ce Dieu si humble venu me sauver ?
En apprenant cela... le roi Hérode fut pris d'inquiétude et tout Jérusalem avec lui.
Il réunit tous les chefs des prêtres et tous les scribes d'Israël.
Au cœur du récit de l'Épiphanie, Matthieu propose deux « attitudes », que nous retrouverons constamment au cours de son évangile :
D'une part, le « refus» des chefs politiques et religieux juifs. Ils auraient dû être les premiers à reconnaître le Messie. Or, que font-ils ? Ils « ont peur», ils « s'inquiètent», « ne bougent pas ! Ils vont chercher, dès le départ, à tuer Jésus. On croit déjà entendre le grand cri de tristesse que Jésus poussera sur Jérusalem : « Malheureux ! scribes et pharisiens... Jérusalem, Jérusalem ! toi qui tues ceux qui te sont envoyés, combien de fois j’ai voulu rassembler tes enfants ! et vous n'avez pas voulu » (Mt 23,27.37).
D'autre part, en contraste, « l'accueil» fait par ces mages païens. Moins préparés pourtant à reconnaître le Messie, ce sont eux qui le cherchent, qui bougent, et qui, loin de « s'inquiéter », « éprouvent une grande joie ». On croit déjà entendre la conclusion même de l'évangile de Matthieu : « Allez donc, et de toutes les nations faites des disciples » (Mt 28,19).
De fait, cette page d'évangile était destinée, dans les premiers siècles, à tenter d'expliquer aux chrétiens d'origine juive (c'est à eux que s'adressait Matthieu) pourquoi l'Église se trouvait composée en majorité par des chrétiens d'origine païenne, alors que Dieu s'était si fortement engagé avec Israël.
Matthieu montre, en Jésus, le Sauveur attendu, qui vient pour tout homme : et le « nouvel Israël» est composé de tous ceux qui, juifs ou païens, « se prosternent » devant Jésus. Cela était déjà annoncé par toutes les prophéties : Jérusalem devait devenir la capitale de tous les peuples. Et le même Matthieu redira dans son évangile que les peuples « viendront, de l'Orient et de l'Occident, prendre place au festin avec Abraham» (Mt 8,11). On voit, une fois de plus, comment cet évangile est composé
Oui, les « mages » représentent tous les païens (et tous les Incroyants) de tous les temps. L'Épiphanie est la bien fête de tous ceux qui ne connaissent pas Jésus, de tous ceux dont la foi est différente de la nôtre, et que Dieu aime, et que Dieu éclaire, et que Dieu attire à lui par sa grâce invisible.
Voici ce qui est écrit par le prophète : « Et toi, Bethléem en Judée... de toi sortira un chef qui sera le berger d'Israël mon peuple. »
Pourquoi, dites-moi, l'étoile n'a-t-elle pas conduit les mages, tant qu'à faire, directement à Bethléem, près de Jésus ? Pourquoi ce détour par Jérusalem, par les « scribes et les prêtres» ? Parce que Dieu est fidèle à ses promesses, et que, si le salut est offert à tous, il vient par l'intermédiaire des juifs (Rm 9,10.11).
Ce détour par Jérusalem a une signification, lui aussi. C'est qu'on ne peut pas faire l'économie de la « Parole de Dieu », pour une rencontre explicite du Christ. Et nous, frères et soeurs ? Méditons-nous régulièrement les Saintes Écritures ?
Le récit des Mages se termine par l’offrande de leurs présents, fruits de leur travail. C’est ce que nous faisons à chaque messe au moment où nous offrons le pain et le vin au Seigneur, fruits de notre travail… Enfin, le Mages repartent chez eux par un autre chemin. La rencontre du Christ transforme une vie, une autre route s’ouvre à nos yeux…
Demandons ce matin au Seigneur la grâce de savoir répondre comme les Mages quand il découvrir l’étoile : se mettre en route dans la confiance, persévérer dans la nuit, interroger les Écritures, être assez humble pour adorer et enfin revenir dans la joie par un nouveau chemin, celui de la conversion du coeur… AMEN.

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