Homélie du 08 décembre 2019 - 2e Avent
Frères
et sœurs, en ce deuxième dimanche de l'Avent, nous sommes
introduits à la venue du Christ par la prédication de Jean
Baptiste, qui domine ce matin notre évangile. Il
a préparé historiquement le ministère public de Jésus, en
prêchant la conversion,
et sa voix continue à préparer, dans l'Église, l'événement de
Noël.
La
semaine dernière, le prophète Isaïe contemplait de loin
l'avènement de la Paix (Is 2) ; cette semaine son espérance se
précise : le don de la Paix viendra d'un
descendant de David, dont la dynastie
est nommée souche
de Jessé.
Son oracle (Is 11), si beau, est au cœur de l'annonce de l'Emmanuel
(Is 6 à 12)… Mais à y bien regarder, ce roi n'a rien des rois de
la terre : il a une prédilection pour le pauvre et le petit, pour la
douceur…
À
la lumière de l'Évangile, nous savons que
seul Jésus est ce Roi idéal attendu par Israël et que le royaume
appelé à s'étendre à tous les hommes est l'Église.
Dans l'Évangile de ce jour, Jean-Baptiste est fidèle à sa vocation
de précurseur
: celui-qui-court-devant. Il appelle tout le Peuple saint à la
conversion (terme répété trois fois), pour se préparer à la
venue de Celui qui va établir le royaume de Dieu.
Or,
Jean-Baptiste, avec sa vigueur d'ascète du désert, apostrophe
durement une branche du judaïsme, les
pharisiens
et les sadducéens,
que l'Évangile présente souvent comme des hypocrites. Il les plonge
dans la perspective d'un jugement redoutable.
La
voix de Jean-Baptiste tremble donc de la colère
qui vient,
et fait écho aux avertissements de Jésus la semaine dernière. Il
reproche en particulier aux Pharisiens qui se disent fils
d'Abraham
(v 9), de se reposer sur les privilèges de la naissance, sur
l'appartenance à une caste religieuse reconnue, et sur la pratique
de rites extérieurs alors que leur cœur est loin de Dieu. Cela peut
s'adresser aussi à nous si notre attitude est celle d'une parfaite
confiance dans notre statut et de nos bonnes œuvres plutôt que
dans la grâce de Dieu.
J’aimerai
m’arrêter ce matin sur l’appel à la conversion de
Jean-Baptiste. Il faut bien se l’avouer, intuitivement, ce terme
nous dérange ; il semble exiger de nous des ruptures fortes, un «
retournement » radical pour prendre une nouvelle direction…
Le reproche de Jean-Baptiste aux Pharisiens est précisément qu'ils
ne veulent pas changer de conduite… Mais l'apostrophe de
Jean-Baptiste s'adresse aujourd'hui surtout à nous, qui sommes déjà
croyants et disciples de Jésus. Le Catéchisme nous le rappelle :
«
L'appel du Christ à la conversion continue à retentir dans la vie
des chrétiens. Cette
seconde conversion est une tâche ininterrompue pour toute l'Église
qui enferme des pécheurs dans son propre sein et qui est donc à la
fois sainte et appelée à se purifier,
et qui poursuit constamment son effort de pénitence et de
renouvellement. » (CEC n°1428)
Frères
et sœurs, laissons donc résonner en notre cœur les paroles du
Précurseur pour y provoquer la conversion,
afin de penser, vivre et agir différemment.
Il s'agit de recentrer notre vie, de la placer dans une nouvelle
perspective, celle de l'événement qui se profile : la
naissance du Seigneur Jésus. Quelle communauté, quels croyants
va-t-il trouver à sa naissance ? Comment puis-je préparer mon cœur
à pleinement le recevoir ? Ma vie est-elle centrée sur la rencontre
avec celui qui m'a aimé plus que tout et qui reviendra ? Ce
chemin vers Noël est donc l'occasion d'une conversion toujours plus
profonde, que nous ne pouvons réaliser qu'avec l'aide de la grâce
; c'est l'Enfant Jésus qui l'accomplira pleinement dans nos
familles, dans nos communautés, dans nos vies, dans nos sociétés.
Il semble que
nous soyons aussi appelé à convertir notre espérance.
Nous avons écouté
l'oracle d'Isaïe qui nous décrit la paix messianique ; nous avons
chanté le psaume d'investiture de ce Roi idéal qui délivrera le
pauvre qui appelle ; et nous savons que Jésus est ce Prince de la
paix tant attendu.
Mais
sa venue a-t-elle vraiment changé le cours de ce monde ?
Pouvons-nous dire, en suivant Isaïe, qu'il ne
se fait plus rien de mauvais ni de corrompu sur ma montagne
sainte
? ... Chaque jour le spectacle de la misère,
proche ou lointaine, vient déranger nos espoirs trop naïfs…
Dans le même temps,
nous constatons que partout où sont posés des gestes de charité et
de foi, le monde change et ces avancées concourent à faire advenir
le règne de Dieu qui paraîtra dans tout son éclat à la fin des
temps.
L'oracle
d'Isaïe n'est pas proclamé aujourd'hui pour nous donner l'assurance
tranquille que « finalement, avec Jésus, tout va bien aller. »
Il vient plutôt semer en nous l'espérance
véritable et lui donner un fondement inébranlable : la personne du
Messie. Notre conversion est ainsi celle
de l'espérance : passer d'une mentalité
mondaine, qui se targue d'être « réaliste
» mais qui envisage le monde à partir des
seules réalités naturelles et apparentes et tend au désespoir,
(afin de passer) à la vision surnaturelle de Jésus sur
l'histoire et le monde.
Supplions
donc le Christ de nous donner la véritable espérance, celle qui ne
peut pas décevoir parce qu'Il l'a scellée de son sang. Elle
a pour objet le Royaume des Cieux et la Vie éternelle,
c'est-à-dire l'union avec Dieu, bien au-delà de nos petites
aspirations humaines.
Enfin,
un thème revient dans les Lectures de ce dimanche, qui semble
s'opposer à l'espérance : la condamnation
des « méchants ». Jean-Baptiste l'évoque
clairement, par deux fois : « tout
arbre qui ne produit pas de bons fruits va être coupé et jeté au
feu
» ; « quant
à la paille, il la brûlera au feu qui ne s'éteint pas
». Même la vision idyllique d'Isaïe semble reposer aussi sur
cette exclusion : « Du
bâton de sa parole, il frappera le pays ; du souffle de ses
lèvres, il fera mourir le méchant.
» (Is 11,4). Ces deux prophètes, lorsqu'ils décrivent la venue du
Messie, attendent donc de lui un jugement de
condamnation. Lorsque la connaissance de Dieu
remplira le monde (Isaïe), il n'y aura pas de place pour le mal ni
pour celui qui fait le mal, quel qu'il soit. Donc, contrairement aux
apparences, l'espérance n'est pas opposée à cette perspective
terrible. Bien au contraire, le pape Benoît XVI, qui a dédié toute
une encyclique sur la vertu d’espérance, nous a enseigné à voir
le Jugement comme un lieu d'espérance. La raison profonde en est que
Dieu y réparera tous les torts commis dans l'histoire.
Mais
le Christ va surprendre ces attentes d'Isaïe et de Jean-Baptiste :
il viendra certes à la fin des temps, dans
la gloire pour juger les vivants et les morts
(Credo), mais sa première venue dans la
chair inaugure une ère de miséricorde, dans
laquelle nous nous situons. Jésus nous supplie de changer nos cœurs
afin « qu'il
ait pour nous un visage de paix quand il viendra juger le monde. »
Donc,
avant le Jugement, il y a le Pardon : c'est
ce bouleversement qui se déploie tout au long de l’année
liturgique.
Toutefois,
Dieu, n'est pas emprunté de trouver des solutions pour nous sauver,
Il se réserve la possibilité de purifier de leurs actes mauvais
ceux qui auront « gardé une ultime ouverture intérieure pour la
vérité, pour l'amour, pour Dieu ».
C’est
ce que nous dit magnifiquement Benoît XVI dans une très belle
description du purgatoire, lieu
intermédiaire et lieu de grâce, je le
cite :
«
La
rencontre avec le Christ est l'acte décisif du Jugement (...). Dans
la souffrance de cette rencontre, où l'impur et le malsain de
notre être nous apparaissent évidents, se trouve le salut. Le
regard du Christ, le battement de son cœur, nous guérissent grâce
à une transformation assurément douloureuse, comme par le feu.
Cependant, c'est
une heureuse souffrance,
dans laquelle le saint pouvoir de son amour nous pénètre comme une
flamme, nous permettant à la fin d'être totalement nous-mêmes et
par là, totalement de Dieu
»
(Spe Salvi n°47)
Frères
et sœurs, mettons nous, ce matin, à l’école de St Jean-Baptiste.
Il est, après la Vierge Marie, le maître
spirituel qu’il nous faut. Il nous désigne
le Sauveur, sa joie d’être avec Jésus, il nous enseigne
l’humilité vraie : savoir s’effacer devant Dieu qui vient.
A son exemple, préparons-nous à Noël. AMEN.
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