Homélie du 23 juin 2019 - T.S Sacrement
« Ceci est mon Corps livré pour vous – Ceci est
mon sang versé pour vous »
Frères et sœurs, lorsque le Christ, lors de la
dernière Cène, a donné son Corps à manger et son Sang à boire aux apôtres qui
ne comprenaient pas encore la grandeur du don, il anticipait son mystère pascal
qui est offrande parfaite à son Père. Il leur donnait déjà son Corps glorieux,
avant que ce même Corps ne soit martyrisé pendant la Passion, que son Sang ne
soit versé sur la Croix, que la mort ne vienne mettre un terme à son existence
terrestre…
« Faites
cela en mémoire de moi » : Jésus nous ordonne de répéter ses gestes, et l’Église accomplit fidèlement la volonté de
son Époux en célébrant chaque jour, sur toute la terre, le sacrifice qui sauve
le monde et qui nourrit ses enfants. Ce mémorial de la Passion demande à
être médité, approfondi, assimilé dans la contemplation… Dans notre méditation de ce matin, frères et
sœurs, je vous propose de méditer sur trois dons, ou plutôt trois facettes du
don que Dieu nous fait dans le Saint-Sacrement :
1) don du Corps et
du Sang de notre Seigneur Jésus pour notre vie spirituelle ;
2) don de
l’Esprit de Jésus qui nous configure à Lui ;
3) don d’union à la Trinité.
Revenons
à la page d’Évangile de ce dimanche. Le Christ est pris de compassion pour les
foules qu’il refuse de renvoyer, malgré la sollicitation des Douze. Nous
imaginons son regard paternel qui recouvre ces personnes venues pour l’écouter
et recevoir la vie du Maître, et combien il a pitié de leurs misères, à la fois
morales et physiques. Ce regard s’étend
sur toute la vie de l’Église et sur toute l’histoire humaine ; Jésus
nous embrasse dans une même affection, et c’est dans ce mouvement du Cœur de
Jésus que se situe l’institution de l’Eucharistie. Tout homme, qu’il le sache ou non, a besoin de la présence du Seigneur
auprès de lui, pour le nourrir et le soutenir. Dieu, à l’Ascension, ne
laisse pas sur cette terre un grand vide après avoir suscité une grande attente
et une grande ferveur. Il nous donne son Esprit, et il perpétue et transforme
sa présence car il sait que nous avons besoin de le voir, de le toucher, et de
sentir sur notre langue ce pain dont nous savons qu’il est présence réelle du
Seigneur. Jésus est pour toujours présent au milieu des siens qui prient, mais
le moyen le plus complet et le plus concret de cette présence est
l’Eucharistie. En effet dans ce mémorial, Jésus se redonne sans cesse, comme il
s’est donné au soir de la Cène en anticipant la Croix, totalement, dans toutes
les dimensions de sa personne, dans l’acte d’amour le plus élevé qui soit. Non
seulement Jésus se donne mais il vient s’unir à nous en rejoignant notre âme à
travers notre propre chair. Il devient lui-même la vie de notre âme, en nous assimilant à Lui…
L’Eucharistie nous permet d’établir un cœur à cœur avec
le Christ ; assistant à la dernière Cène avec les Douze, nous sommes
transportés dans les événements du Mystère pascal, et nous voyons de près le Cœur
de notre Sauveur affronter la Passion et la mort. Recevant son Corps glorieux,
nous sommes invités à toucher les plaies de sa Passion, comme le Seigneur y
invitait Thomas : « Porte ton doigt ici : voici mes mains ; avance ta main
et mets-la dans mon côté, et ne deviens pas incrédule, mais croyant
» (Jn 20,27).
C’est
pourquoi le bienheureux Charles de Foucauld invitait à ne pas perdre de vue
cette présence si extraordinaire de Jésus dans le Tabernacle, mais à profiter de
toute occasion pour l’honorer dans l’Église… Pourquoi cherchons-nous si souvent
ailleurs ce qui est simplement présent sous le voile des espèces
eucharistiques ?
Communier au Corps du Seigneur avec foi et dévotion,
c’est être transformé en lui, pour réaliser ce que saint Paul décrivait avec
émerveillement : « ce n'est plus moi qui vis, mais le Christ qui vit
en moi. Ma vie présente dans la chair, je la vis dans la foi au Fils de Dieu
qui m'a aimé et s'est livré pour moi » (Gal 2,20). Avons-nous déjà
remarqué combien l’Eucharistie bouleverse notre vie, y sème des germes de vie
surnaturelle qui sont bien au-delà de la nature ?... Pour percevoir tout
cela, et pour être illuminé par l’Eucharistie, il faut prendre le temps
d’adorer en dehors de la messe ; de contempler avant et après la communion.
« Que nul ne mange ce pain qu’il ne
l’ait d’abord adoré », disait Saint Augustin.
Celui
qui prend le temps d’adorer et de méditer sur ce mystère, avant et après la
célébration de l’Eucharistie, voit peu à peu grandir en lui les traits mêmes du
Christ. Il se met à entrer dans ses sentiments, à ressentir son amour pour
son Père et pour les hommes, son infinie humilité, son désir éperdu d’aimer et
d’être aimé, son angoisse du salut des âmes, sa joie de nous voir face à
lui, quelle que soit la pauvreté de notre prière. Faisons cette expérience, frères et sœurs. Elle n’est pas
forcément probante dès la première fois car nous avons besoin de nous vider de nous-mêmes pour découvrir Jésus.
Toutefois assez vite, même si sur le moment nous pensons ne rien recevoir, nous
éprouverons, a posteriori, un grand sentiment de bonheur et de paix, et le
désir de retourner adorer, voire l’impression d’être comme attirés vers le
tabernacle. L’amour pour le Christ va ensuite grandir dans notre cœur, sans que
nous en soyons conscients, et il
débordera au cours de nos journées sous forme d’actes d’amour envers Dieu, et
d’une charité plus brûlante pour nos frères.
Enfin,
le Christ nous communique dans l’Eucharistie ce qu’il a de plus cher : son
union éternelle avec le Père. Son Corps glorieux nous ouvre, pour ainsi dire,
l’accès à la vie trinitaire : Jésus nous incorpore à Lui par le baptême,
il fait grandir cette assimilation par la communion eucharistique accomplissant
les promesses rapportées par saint Jean : « Si quelqu'un m'aime, il gardera
ma parole, mon Père l'aimera et vous viendrons vers lui et nous nous ferons une
demeure chez lui » (Jn 14,23)… Le Corps du Seigneur nous
entraîne vers cette communion trinitaire d’amour qui sera notre joie éternelle
dans le Ciel…
Laissons
notre cœur exprimer toute sa dévotion, sa reconnaissance, son amour, envers le
Maître qui nous a fait un tel don lors de sa dernière Cène. Prenons le temps de
nous demander qui est celui que nous contemplons dans le saint Sacrement et
recevons à la messe. Il est là, devant nos yeux, réellement présent, le
Seigneur de Bethléem, de Capharnaüm, du Golgotha, du matin et du soir de
Pâques. Celui qui est apparu à Paul et s’est révélé ensuite à tant d’hommes et
de femmes. Il est là le Christ total, l’alpha et l’oméga, celui en qui sont
récapitulées toutes choses, celui qui contient toutes les vies humaines de tous
les temps qui viennent former son Corps mystique. Nous avons, sous nos yeux,
la tendresse du Père et la puissance de l’Esprit. Lorsque nous sommes là, face à lui, dans un mouvement sincère d’amour,
nous sommes unis à tous les moments de sa vie, remplis d’Esprit Saint et déjà
avec lui dans la gloire du Père. Nous ne contemplons pas une idée ou un
mystère, mais une personne bien
présente, Jésus de Nazareth, Fils de Dieu.
Permettez-moi
de finir cette méditation sur ce beau et grand mystère du TS Sacrement en vous laissant
une prière toute spontané du bienheureux Charles de Foucauld qui j’espère sera
pour chacun de nous d’une spontanéité contagieuse : « Vous êtes, mon Seigneur Jésus, dans la Sainte Eucharistie, Vous êtes
là, à un mètre de moi dans ce Tabernacle ! Votre Corps, Votre âme, Votre
humanité, Votre divinité, Votre être
tout entier est là, dans sa double nature ; que Vous êtes près, mon Dieu, mon Sauveur, mon Jésus, mon Frère, mon
Époux, mon Bien-Aimé ! Vous n'étiez pas plus près de la Sainte Vierge,
pendant les neuf mois qu'elle Vous porta dans son sein, que Vous ne l'êtes de
moi quand Vous venez sur ma langue dans la Communion !
Vous n'étiez pas plus près de la Sainte Vierge et de
Saint Joseph dans la grotte de Bethléem, dans la maison de Nazareth, dans la
fuite en Égypte, pendant tous les instants de cette divine vie de famille, que
Vous l'êtes de moi en ce moment et si, si souvent dans ce Tabernacle !
Sainte Madeleine n'était pas plus près de Vous, assise à
Vos pieds à Béthanie, que je ne le suis au pied de cet autel ! Vous n'étiez pas
plus près de Vos apôtres quand Vous étiez assis au milieu d'eux, que Vous
n'êtes près de moi maintenant, mon Dieu !
Que je suis heureux ! Que je suis
heureux ! Que je suis heureux ! Ainsi soit-il.
Que la joie qui habitait le Bx Charles de Foucauld à
prier près du tabernacle puisse être aussi la nôtre ! Amen.
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