Homélie du 05 août 2018 - 18e TO
Frères
et Sœurs, nous avons entendu, la semaine dernière le récit de la multiplication
des pains et la scène se terminait par le retrait de Jésus, seul, dans la
montagne. Jésus a clairement refusé le triomphe politique qu’on lui proposait. Pourquoi ? Jésus venait de
rassasié une foule immense de pains et de poissons, de nourriture terrestre.
Jésus venait de rejoindre concrètement ses auditeurs, ses contemporains qui se
situaient sur une certaine rive, la rive humaine…
Or dans
le passage que nous venons d’entendre, nous voyons que la foule pour retrouver Jésus a dû passer sur l’autre rive… C’est
en passant sur « l’autre rive », la rive de la vraie vie, la rive de
la vie divine que la foule peut vraiment trouver Jésus et qu’alors peut
commencer le long discours sur le « Pain de Vie ».
Interrogeons-nous
sur ce discours si différent de ce que nous avons l’habitude d’entendre des
lèvres de Jésus dans les trois autres évangiles, est-il vraiment de Jésus ou de saint Jean ? La question
se pose depuis les premiers Pères de l’Église. Les exégètes les plus sérieux
d’aujourd’hui, respectant la tradition, résument ainsi leur réponse : « Nous inclinons à penser que la substance du discours sur le pain de vie
remonte certes à Jésus, mais que la pensée du Maître nous est livrée à travers
les explications que l’évangéliste lui-même a cru devoir ajouter en partant de
la pratique de l’Église » (A.Feuillet) « Ce que Jésus a réellement dit nous est rapporté avec des mots, des
formules, des agencements, qui ont été refondus par l’évangéliste. Écrivant
sous l’inspiration du Saint Esprit Jean transmet fidèlement l’enseignement de
Jésus mais non pas à la manière d’une bande magnétique. Dans sa longue
méditation de disciple fidèle, il a assimilé l’enseignement du Maître et il le
livre à travers ses mots à lui. Il est à la fois témoins et inspiré » (A
Dégeest).
Mais
revenons aux paroles même de l’évangile, celles que Jésus adresse à ses
auditeurs :
« Amen, amen, je vous le dis, vous me cherchez, non pas parce que vous
avez vu des signes, mais parce que vous avez mangé du pain et que vous avez été
rassasiés ».
Jésus
s’adresse à des gens simples et pauvres de galilée qui peinent pour gagner leur
vie. Ils savent ce que c’est que la faim et le rassasiement quand on a bien
travaillé, et que la récolte a été bonne. Comme avec la Samaritaine près du
puits, Jésus prend pour point de départ un besoin matériel de ses
auditeurs : symboles très simples… la faim, la soif, le pain, l’eau…
Le
diagnostic de Jésus sur ces personnes qui ont été rassasiées de pains et de
poissons est à la fois cruel et juste : ce qu’ils attendent, ce ne sont
pas les « signes du Royaume », mais les « avantages
matériels » qu’ils pourraient en retirer. Ce diagnostic est toujours d’une
brûlante actualité : si nous acceptons de nous laisser remettre en cause
par le « diagnostic » de Jésus, ne découvrons-nous pas que, nous
aussi, nous avons faim et soif d’argent, de pouvoir, de considération, de
sécurité, de confort, d’évasion. Quand Jésus « arrange nos
problèmes », nous sommes prêts à continuer à le suivre… mais s’il nous
propose des « signes déconcertants » de son Royaume, qui ne nous
conviennent pas, ne sommes-nous point prêts à Le lâcher ?
Écoutons,
Jésus nous redire ce matin : « Ne
travaillez pas pour la nourriture qui se perd, mais pour la nourriture qui se
garde jusque dans la vie éternelle, celle que vous donnera le Fils de l’homme,
lui que le Père a marqué de son empreinte ». Jésus se sert de la comparaison de la
nourriture pour faire comprendre ce qu’il apporte à l’humanité. Il y a deux
espèces de vie, et deux espèces de nourriture : la nourriture corporelle,
qui donne une « vie périssable »… et la nourriture venue du ciel, qui
donne la « vie éternelle ». Créé
par Dieu, et fait pour Dieu, l’homme a faim et soif de Dieu. Rien en
dehors de Dieu ne peut le satisfaire entièrement. Toutes les nourritures
terrestres laissent l’être humain inassouvi. Jésus ne nous invite pas à
mépriser le « pain quotidien », mais à désirer aussi le « pain
de la vie éternelle ». Jésus ne nous demande pas de devenir paresseux dans
le « travail » nécessaire à la vie de la cité humaine, mais il
voudrait que nous « travaillons » avec la même ardeur à rechercher
une vie qui ne sera pas périssable !
A la
différence du Bouddha, Jésus n’invite pas à supprimer nos désirs, mais au
contraire, à les amplifier : ne vous contentez pas de désirer le petit
bout de vie éphémère qui est le vôtre naturellement… allez jusqu’à désirer une vie éternelle, et faites ce qu’il faut pour cela, pour en vivre dès maintenant ! (N’ayons
pas peur : OSONS !)
« Que
faut-il faire pour travailler aux œuvres de Dieu ? » Jésus
répondit : « L’œuvre de Dieu, c’est que vous croyiez en Celui qu’il a
envoyé. » Ici, frères et sœurs, commence une
révélation fantastique. Cette
nourriture essentielle dont l’homme a faim, c’est Lui-même, Jésus !
Réponse audacieuse, prétention folle, mais vérifiée des millions de fois depuis
deux mille ans. « Que vous
croyiez ! » Voilà l’œuvre de Dieu en nous. Croire, avoir la foi, c’est travailler avec Dieu, c’est
coopérer avec Dieu qui veut nous donner Sa vie éternelle !
« Quel
signe vas-tu accomplir pour que nous puissions le voir, et te croire ? Au
désert, nos pères ont mangé la manne… le pain venu du ciel. » Jésus leur
répondit : « Ce n’est pas Moïse qui vous a donné le pain venu du
ciel ; c’est mon Père qui vous donne le vrai pain venu du ciel. »
Les
auditeurs de Jésus restent à leurs horizons habituels, ils sont toujours sur la
même rive… Jésus, Lui, cherche à éveiller en eux, à partir de leur besoins
matériels, des aspirations plus hautes. Et nous, frères et sœurs, aujourd’hui,
de quoi avons-nous faim ? Tous les
jours notre société de consommation nous propose le bonheur à travers des biens
matériels et Jésus réplique que toutes ces « mannes » ne sont qu’une
nourriture matérielle et bien grossière, animale pourrait-on dire, à côté du
bonheur que Dieu veut donner.
« Le
Pain de Dieu, c’est celui qui descend du ciel et qui donne la vie au
monde ». Nous laisserons-nous prendre à la contemplation mystique
de ce que ces mots suggèrent ? Nous sommes faits pour Dieu. Que nous le voulions ou non, notre faim, c’est une faim
de Dieu. « Pourquoi dépensez-vous
de l’argent pour ce qui ne rassasie pas ? » disait en son temps le
prophète Isaïe (53,1.3). Et Saint Augustin avouait, après avoir recherché le bonheur dans les plaisirs
terrestres : « Mon cœur est
sans repos, tant qu’il ne repose pas en Toi, Seigneur ». Oui, notre cœur est si grand que rien ne
pourra jamais le combler, sinon Dieu lui-même… pour lequel il a été fait. Le
désir, qui renaît toujours, après chaque rassasiement partiel, est bien le
signe de cette quête infinie. « Le pain qui descend du ciel », c’était
la manne, une nourriture mystérieuse, comme nous le rappelle la première
lecture de ce dimanche : »Qu’est-ce que c’est ? Mann
hou ? ». On attendait pour les temps messianiques le retour du
prodige rassasiant. Mais Jésus, reprenant une ancienne et traditionnelle
interprétation, considère la manne du temps de Moïse comme le symbole d’un
« don supérieur », d’un « aliment céleste » : La Parole de Dieu.
D’après
le Deutéronome, en effet, le but profond du miracle de l’Exode ne fut pas de
nourrir matériellement les Hébreux au désert, mais de les habituer à « croire en Dieu.
Demandons au Seigneur au cours de cette Eucharistie de venir creuser en
nous la faim de l’essentiel, la faim de goûter sa Parole et qu’en le
contemplant sur l’autel dans quelques instants, dans son Eucharistie, nous
puissions adhérer pleinement à ses paroles : « Celui qui vient à moi
n’aura plus jamais faim ; celui qui croit en moi n’aura plus jamais
soif ». AMEN.
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