Homélie du 10 mai 2018 - Ascension du Seigneur


            Frères et sœurs,
            la prière d’ouverture de cette célébration nous a immédiatement donné la tonalité de cette fête de l’Ascension : Le Christ nous a précédés dans la Gloire, et c’est là que nous vivons dans l’Espérance. Oui, la fête de l’Ascension est véritablement pour nous la fête de l’Espérance chrétienne. Pourquoi ?
            Parce que l’Ascension du Christ Jésus marque le début de l’entrée de l’humanité dans le domaine céleste de Dieu. Pour Jésus, il marque son entrée définitive avec son corps glorieux. Le monde céleste n’est plus seulement habité de purs esprits, à savoir Dieu lui-même et de ses anges mais désormais l’humanité du Christ, le corps glorieux du Christ, siège à la droite du Père.
            Un autre corps glorieux rejoindra Jésus après son Ascension et que nous fêtons chaque année le 15 août, dans le mystère de l’Assomption de la Vierge Marie. L’Église nous assure avec certitude la présence de ces deux corps glorieux au ciel. Mais pourquoi cette attente de 40 jours avant de rejoindre définitivement son Père, dans les cieux ? La symbolique du chiffre 40 est riche de sens dans la Bible. Elle peut signifier à la fois, l’attente, l’épreuve ou le châtiment mais aussi le temps de la préparation. Or, nous retrouvons ce cycle de 40 jours dans la vie même de Jésus.
            C’est au terme d’une attente de 40 jours que Jésus est présenté au Temple de Jérusalem après sa naissance (lié à la purification de la Vierge Marie, sa Mère), puis au début de sa vie publique, Jésus connaît l’épreuve de la tentation au terme de ses 40 jours au désert, enfin, après sa Résurrection, Jésus reste 40 jours avec ses apôtres avant de rejoindre son Père ; ce temps est nécessaire pour préparer le cœur de ses apôtres et de les rendre tous témoins de son élévation au ciel ; Jésus veut les conforter dans l’assurance de sa résurrection et en même temps Il désire les rendre tous attentif à l’espérance du Ciel. « C’est votre intérêt que je m’en aille » (Jn 16,7) avait dit Jésus la veille de sa mort et il avait ajouté « Je pars vous préparer une place » (14,2b).
            Aujourd’hui en célébrant l’Ascension du Seigneur, nous magnifions une vraie marche triomphale de Jésus vers son Père. Pour comprendre la joie de Jésus, il faut bien nous rappeler la raison de son Incarnation en notre monde. Après la chute de nos premiers parents, une coupure, une faille s’était ouverte entre le Créateur et sa créature. Le cordon ombilical entre Dieu et l’homme avait été rompu. L’homme ne pouvait plus réaliser la pleine mesure de son existence, le monde était tombé dans le chaos, nos cœurs étaient devenus durs et impitoyables, vides de Dieu.
            (Pour prendre la vraie mesure de la déchéance de l’homme il suffit de lire dès le début du livre de la Genèse, au sixième verset du chapitre six, où il nous est dit que « Yahvé se repentit d’avoir fait l’homme sur la terre et il s’affligea dans son cœur »)
            Alors dans ce grand mystère de l’Incarnation, nous pouvons dire qu’une part de Dieu est entrée dans le cœur de l’homme. Jésus, le Verbe de Dieu, a pris la décision de descendre jusqu’à nous pour se faire l’un des nôtres et, de cette manière, par cette inimaginable humilité, il a voulu rendre Dieu de nouveau présent au milieu des hommes. Or, par le Baptême, la vie de Dieu est déposée pour toujours dans le cœur de l’homme. Depuis, l’homme revit, il peut correspondre à ce à quoi il était destiné depuis le commencement : être à l’image de Dieu et donc rendre Dieu visible au monde.
            Donc, si avec l’Incarnation, une part de Dieu est entré dans l’homme, avec le mystère de l’Ascension, nous pouvons dire qu’une part de l’homme est présent dans le cœur de Dieu.
            Le Christ, après sa mort admirable et sa souffrance parfaitement offerte pour notre salut, le Père l’a ressuscité. Maintenant, il accueille son Fils dans un véritable cortège de gloire et toute la création déjà délivrée l’acclame dans la joie. Mais, pour Jésus, ce n’était pas suffisant. Il a tellement appris à aimer l’homme qu’il a voulu nous avoir près de lui – et pas seulement quelques instants – mais pour toujours ; et non seulement près de lui mais en lui.
            Avant l’Ascension Dieu était, si l’on peut dire « seulement Dieu » mais désormais que Jésus, vrai Dieu et vrai homme, retourne au Père, on peut dire que Dieu n’est pas « seulement Dieu », il est aussi « l’homme en Dieu ». Désormais, par le baptême, la communication entre Dieu et l’homme est rétablit. Le Baptême est en quelque sorte « ma voix dans le cœur de Dieu ». Depuis le jour de mon baptême ma parole n’arrive pas seulement à l’oreille de Dieu (si je puis m’exprimer ainsi !) mais quand j’appelle, Dieu m’entend du fond du cœur. Si je m’attriste et pleure, Dieu sent ma tristesse et mes larmes en lui-même, quand je ris et me réjouis, ma joie a un écho à l’intime de Dieu même. Ma parole est bien plus proche de Dieu que je ne peux l’imaginer !
            Alors, frères et sœurs, nous voulons partir de cette certitude, celle de la présence de Dieu en nous et de nous en Dieu, qui nous est donné dans les sacrements pour louer et glorifier le Seigneur Jésus de tout ce qu’il a fait de grand pour nous ; nous voulons lui rendre grâce pour la vie et la foi qu’il nous a donnés mais nous ne le ferons pas pour nous seul, nous le ferons au nom de tous ceux qui ne savent pas, au nom de tous ceux qui ne peuvent pas ou ne veulent pas le reconnaître et spécialement pour nos proches.
            Je disais au début de cette Eucharistie que nous étions invités à regarder vers le ciel, lieu de notre espérance, non pour fuir les réalités terrestres de nos journées mais simplement pour mieux reprendre courage et les vivre avec foi.
            Dans son encyclique « Spe Salvi » donnée en 2007 à toute l’Église, le pape Benoît XVI nous rappelait que l’Espérance chrétienne nous pousse à agir, je le cite :
            « L’engagement quotidien nous épuise si nous ne sommes pas éclairés par la lumière d’une espérance plus grande, qui ne peut être détruite, ni par des échecs dans les petites choses, ni par les effondrements dans les affaires de portée historique.
            Si nous ne pouvons pas espérer plus que ce que l’on peut espérer des autorités politiques et économiques, notre vie se réduit bien vite à être privée d’Espérance. Je peux encore espérer, même si apparemment, pour ma vie et pour le moment historique que je suis en train de vivre, je n’ai plus grand-chose à espérer au plan humain.
            Oui, cette espérance me donne le courage d’agir parce que je sais que mon histoire personnelle, ainsi que toute l’histoire, est gardée dans le pouvoir indestructible de l’Amour de Dieu. Au fond, dit le pape Benoît XVI, l’Espérance me pousse à l’action.
            C’est-à-dire que l’Espérance me pousse à rendre ce Monde plus lumineux. Et, on le voit bien, dès le début du christianisme : ce sont les disciples du Christ qui se sont engagés auprès des personnes les plus pauvres, auprès de personnes qui étaient en difficulté. Et très rapidement, on voit que les Chrétiens ont voulu être sur les seuils de l’humanité, là où elle est le plus en danger, la plus blessée, la plus meurtrie, précisément au nom de cette espérance.
            L’Espérance chrétienne, frères et sœurs, est l’anti-dote au découragement.
La vie du ciel se commence donc sur la terre. Rappelons-nous les paroles de Jésus, * Le royaume de Dieu est au-dedans de vous + (Lc 17,20) - * Celui qui croit en moi a la vie éternelle + (Jn 6,47). La catéchèse du ciel doit se faire * au présent + et pas seulement au futur. Le Ciel n=a rien d=une solution astucieuse aux misères et aux injustices d=ici-bas.
Si la prédication et la catéchèse sur le Ciel s=en tiennent à des paroles, elles ne convaincront pas les hommes de notre temps. Pas de catéchèse possible du Ciel sans l=existence de communautés chrétiennes qui vivent dans cette espérance et témoignent par leurs engagements temporels que la foi au Ciel ne détourne pas du souci de la terre, comme la Rédemption n=annule pas la Création.

En cette fête de l=Ascension, demandons ce matin au Seigneur de nous donner un grand désir du ciel et aussi le courage de tout mettre en oeuvre pour le vivre dès à présent.             Amen.

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