Homélie du 07 janvier 2018 - Epiphanie
Frères
et sœurs, des mages venus d’Orient se sont mis en voyage vers Jérusalem :
ils sont animés par un désir profond de rencontrer le Seigneur ; le même désir habite le cœur de tout homme et
fait de chacun de nous des « chercheurs de Dieu ». Mais sans le savoir la
lumière peut être étouffée par les ténèbres, comme la ville de Jérusalem
l’était sous l’emprise du roi Hérode. Par ailleurs, il est légitime de nous
interroger et de nous demander pourquoi Dieu se cache-t-il si souvent, pourquoi
cette longue quête vers lui ? Enfin, frères et sœurs, il faut savoir
reconnaître que nous recevons du Seigneur une multitude de signes : or
sommes-nous bien disposés pour les reconnaître et les recevoir comme tels…
Le catéchisme exprime ainsi cette
lumière intérieure qu’est le désir de Dieu :
«Le
désir de Dieu est inscrit dans le cœur de l’homme, car l’homme est créé par
Dieu et pour Dieu ; Dieu ne cesse d’attirer l’homme vers lui, et ce n’est qu’en
Dieu que l’homme trouvera la vérité et le bonheur qu’il ne cesse de chercher.»
Sommes-nous comme les Mages? Notre
désir de Dieu se maintient-il vivant et dérangeant, ou sommes-nous plutôt repus
et bien installés ? Si nous ne sentons plus ce désir fondamental, demandons-le
dans la prière ; travaillons à nous défaire de ce qui nous tient lieu de vérité
dans nos vies et, prend dans nos cœurs la place de Dieu. Si, en revanche, nous
ressentons ce désir, demandons-nous si nous sommes vraiment en marche, et prêt
à reprendre la route, encore une fois.
Si, enfin, nous marchons à la clarté
d’une étoile, sachons, comme les Mages, nous réjouir et rendre grâce
lorsqu’elle brille plus intensément : dans la prière, dans la méditation ou
l’étude, ou encore dans le service des frères. Autant d’étoiles qui nous
indiquent la présence du Seigneur.
Toutefois,
nous sommes malheureusement conscient que les ténèbres nous environnent…
Des
ténèbres épaisses, celles du péché et du refus de Dieu, maintiennent l’humanité
aveugle, et inconsciente de son propre aveuglement…
Mystère du mal, de la résistance à Dieu : un mystère
d’iniquité qui n’est pas réservé aux «grands pécheurs», mais qui traverse le
cœur de chacun d’entre nous. Mystère des ténèbres intérieures qui
peuvent nous maintenir sous l’emprise d’Hérode et nous empêcher
d’accueillir la vraie joie, d’aller vers Jésus. Ténèbres intérieures qui
peuvent faire de nous un obstacle entre nos frères et Dieu. De quelle lumière
brillons-nous et quel témoignage de Dieu donnons-nous à ceux qui ne sont pas
issus de la foi chrétienne, et qui viennent auprès de nous chercher confusément
un signe de sa présence? Nos paroles et nos actes leur indiquent-ils la route ?
Les Mages qui étaient, comme Hérode,
membres de l’élite de leur temps et issus d’une civilisation autrement plus
brillante que celle du modeste royaume de Juda, se mirent à la recherche de ce
roi étranger. Mieux encore, ayant trouvé un enfant au lieu d’un roi, ils ne
furent ni déconcertés ni déçus mais «tombèrent à genoux devant lui». Leur
cheminement intérieur est plus admirable encore que leur long périple à travers
l’Orient. Pour reconnaître le Sauveur, une seule voie donc: acquérir un
cœur humble et ouvert à la vérité, qui se laisse mener par la beauté d’une
étoile, et qui soit capable d’adorer.
Les fidèles de Jérusalem étaient
très proches, géographiquement et culturellement, de l’Enfant Jésus ; mais ce
sont des étrangers, venus de loin, qui l’ont honoré. Ne courrons-nous pas le
même risque, habitués que nous sommes à la proximité de Jésus, alors que les ténèbres
peuvent grandir dans notre cœur ? Il nous faut, jour après jour, supplier de ne
pas perdre l’étoile en chemin.
Frères
et sœurs, si Dieu se révèle et notamment au peuple d’Israël, il n’en demeure
pas moins un Dieu caché et qui se cache si souvent dans nos vies. Blaise Pascal
a bien saisi la raison de cette profonde réalité : «Si Dieu se découvrait
continuellement aux hommes, il n’y aurait point de mérite à le croire; et, s’il
ne se découvrait jamais, il y aurait peu de foi. Mais il se cache ordinairement,
et se découvre rarement à ceux qu’il veut engager dans son service.»
La fête
de l’Épiphanie est une des expressions culminantes de ce paradoxe: Dieu choisit
de s’incarner dans une famille humble et cachée, loin du bruit du monde. Le
réalisme de son Incarnation est une façon de «cacher» sa divinité derrière son
humanité.
Par contraste, la fête de ce jour révèle non plus
seulement un enfant mais un roi; et plus qu’un roi, la présence de Dieu même
dont le règne est destiné à s’étendre aux nations païennes les plus lointaines,
représentées par les Mages.
C’est
bien ce cheminement de la foi et ce passage de la réalité visible à la
vision surnaturelle qu’incarnent les Mages en se prosternant devant
l’Enfant.
La foi
est donc la réponse de l’homme à ce Dieu caché qui se révèle :
Il donne à tous la possibilité de le trouver réellement, à travers tant de
signes cachés ou manifestes. Prions donc pour obtenir le don de la foi,
pour l’entretenir et le faire grandir.
Car
Jésus continue de se manifester à nous aujourd’hui, mais comment le
fait-il ? Où le trouver, où le montrer, comment le transmettre à nos
frères ? Isaïe, dans le texte de ce jour, nous donne ce conseil :
« Lève les yeux, regarde ! »
(Is 60,3)
Pour recevoir pleinement la
manifestation de Jésus, il faut donc éduquer notre regard. Devenir un veilleur
qui attend l’aurore en scrutant les cieux. Comme un amoureux qui est
sensible à tous les signes que lui adresse sa bien-aimée, nous découvrons alors
la présence du Dieu caché.
Une
première étoile qui nous guide vers Dieu est la méditation de sa Parole. Matthieu
insiste pour montrer que la naissance de Jésus est l'accomplissement des
prophéties :
Laissons
le souffle puissant de ces textes inspirés nous imprégner ; émerveillons-nous
de la continuité de l’œuvre de Dieu et de sa pédagogie.
Prenons
le temps de nous retirer et de faire silence chaque jour. Descendons en
nous-mêmes où Dieu habite, et parlons-lui. Nous éprouverons peu à peu sa
présence. Notre monde est imperméable à la foi parce qu’il ne sait pas faire
silence…
Prenons aussi le temps de
redécouvrir la beauté de la nature et des êtres qui nous entourent. En
fin de journée, arrêtons-nous pour voir comment Dieu s’est manifesté à nous :
par quel frère, par quelle parole, par quel événement. Nous pourrons alors dire
comme Jacob : «Le Seigneur est là et moi, je ne le savais pas !» (Gn 28,
16). Plus nous nous exercerons à cela, plus nous verrons concrètement la
présence de Dieu et nous le reconnaîtrons au cœur même de nos journées.
En
parcourant les lectures de la messe de ce jour, nous découvrons
également l’importance du mystère de l’Église… C’est, en effet, par l’Église
que se réalise pleinement la royauté universelle du Christ
Encore une
autre étoile : le sacrement du pardon.
Qui n’a pas éprouvé cette grande joie paisible après le passage de la
miséricorde de Dieu?
Toutes
ces manifestations de Jésus, frères et sœurs, transforment peu à peu notre âme.
Nous avons reçu sa vie divine par le
baptême, au sein de l’Église, et les ténèbres du péché ont été vaincues par
la splendeur de sa grâce. Nos yeux se sont ouverts aux beautés de la Création, comme autant d’étoiles qui désignent leur
auteur. La lumière de sa Parole nous
accompagne et nous montre le chemin vers le Père. Ce chemin est un pèlerinage
que nous effectuons avec tous les saints,
issus de toutes les nations, au long de l’histoire de l’Église. Et lorsque nous
adorons Jésus présent dans l’Eucharistie,
nous levons notre regard vers le Soleil qui resplendit depuis sa Résurrection :
Il nous attire vers cette contemplation qui sera notre joie…
C’est tout le mystère de l’Épiphanie qui se déploie dans nos vies et qui
nous invite à nous mettre
en route vers l’adoration sans fin que nous pourrons lui offrir dans le Ciel.
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