Homélie du 08 octobre 2017 - 27e TO
Frères et sœurs, nous venons d’entendre une
parabole qui nous est bien connue. Cette parabole est bien émouvante à plus
d’un titre. Jésus y résume, en quelques images, toute l’histoire du salut, vue
sous le regard de Dieu.
Un homme
était propriétaire d’un domaine ; il planta une vigne, l’entoura d’une clôture,
y creusa un pressoir et y bâtit une tour de garde.
Tous les
auditeurs de Jésus, familiers de la Bible, ont immédiatement compris de « qui »
il s’agit : ce Vigneron amoureux de sa Vigne, c’est Dieu (Isaïe
5/1.7 - Jérémie 2/21 - Ezekiel 17/6 - 19/10,
etc..). Et Dieu est déçu par sa vigne. Que de soins il lui a
prodigués... Le « chant d’amour du Bien-Aimé pour sa vigne », d’Isaïe, est
présent à la pensée de Jésus et de ses auditeurs.
Puis Jésus précise
que le propriétaire donna sa vigne en
fermage à des vignerons et partit en voyage. A la tradition biblique, Jésus
ajoute ici sa petite touche personnelle : il n’était question que de la
«vigne»... mais Jésus introduit ici des «vignerons», et un «départ» du maître.
Dans ce récit, c’est le maître qui a travaillé jusqu’ici. Il a même fait tout
l’essentiel. Il a pris toute la peine. C’est bien « sa » vigne, toute fécondée
de son travail et de ses sueurs.
Pourtant,
Jésus affirme que Dieu, ayant fait l’essentiel pour « sa » vigne, ne fait pas
tout : il confie des responsabilités à l’homme, il fait confiance.
L’éloignement du maître souligne à quel point Dieu nous veut libres et responsables
: Rappelons-nous les paroles du livre de la Genèse : «dominez la terre et
soumettez-la» (Gn 1,28). Nous nous plaignons
parfois de l’ « absence » de Dieu. Jésus nous suggère que cette «discrétion» de
Dieu est volontaire : il nous a confié « sa » vigne, son univers, il nous fait
confiance. Je suis donc gérant d’une part de ce « domaine » qui continue à
appartenir à Dieu, et qu’il m’a confiée. Il m’a loué une partie de ses biens,
une parcelle de Son Royaume. Il m’a donné des responsabilités. Lesquelles ?
Qu’ai-je à faire fructifier dans ma vie ? De quoi, de « qui » aurai-je à rendre
compte devant Lui ?
Quand
arriva le moment de la vendange, il envoya ses serviteurs auprès des vignerons
pour se faire remettre le produit de la vigne.
Ce sont
les fruits du maître, dit Jésus. Et nous, nous oublions parfois que nous n’en sommes
pas les maîtres. Ainsi, Dieu, tout « absent » qu’il semble apparaître, est bien
présent ! Son éloignement discret n’est pas oublie ou indifférence, comme si
l’homme pouvait faire n’importe quoi... et être « son propre maître». Non, Dieu
aime l’homme au point de lui demander des comptes. Il le traite en vrai « responsable
» : il y a un jour pour la « vendange ».
Ce «
moment de la vendange » est un instant décisif : « avant », cela aurait été
trop tôt, pas encore mûr !... mais «après», cela sera trop tard, définitivement
pourri et irrécupérable. Ainsi, dans nos vies, il y a des « temps favorables »
où une récolte est à ne pas manquer.
Mais les
vignerons se saisirent des serviteurs, frappèrent l’un, tuèrent l’autre,
lapidèrent le troisième. Vendanges sanglantes ! Symbole du refus de Dieu. Ce
même refus continue toujours aujourd’hui. Dieu est un gêneur quand il nous
invite à lui rendre « ses » fruits. Oui, nous sommes tous tentés de nous passer
de Dieu, et de gérer sa vigne pour notre compte personnel. Dans ma vie, à moi,
quels sont ces fruits divins que je refuse de lui rendre ? Quelles exigences
divines, quels appels divins j’accepte mal ?
De nouveau
le propriétaire envoya d’autres serviteurs plus nombreux que les premiers :
mais ils furent traités de la même façon.
Malgré les
refus et l’hostilité des vignerons, le maître multiplie les «envois» de
messagers. «Tu as multiplié les Alliances avec eux, et tu les as formés par les
prophètes dans l’espérance du salut...» Oh
! la patience de Dieu et sa miséricorde ! C’est bien toute l’histoire
d’Israël que Jésus résume. En même temps que notre propre histoire.
Finalement,
il leur envoya son fils, en se disant : ils respecteront mon fils.
Comme bien
souvent dans les paraboles de Jésus, le récit humain vole en éclat, jusqu’à
l’invraisemblance : aucun « père » humain n’aurait agit ainsi. Non ! Personne
n’aurait l’idée d’envoyer son fils « bien-aimé » (Mc
12,6 - Luc 20,13) à des gens qui ont déjà tué de « nombreux »
serviteurs. Mais voilà. Il ne s’agit plus d’une histoire humaine. Et Dieu,
Lui, tente tout jusqu’à se donner lui-même dans son Fils… le fruit de sa
tendresse trinitaire... pour essayer de faire porter du fruit à l’humanité.
Puisque Dieu nous a aimés jusqu’à nous donner son Fils, qui pourra nous séparer
de cet amour divin ?
Mais,
voyant le fils, les vignerons se dirent entre eux : voici l’héritier, allons-y, tuons-le,
nous aurons l’héritage !
Remarquons
bien au passage que le péché de ces vignerons n’est pas de ne pas avoir fait
produire de fruits à la vigne... mais de vouloir s’approprier ces fruits qui ne
leur appartiennent pas. On pourrait y voir ici le péché de l’athéisme : gérer la terre au seul profit exclusif de
l’homme, sans tenir compte quelle est la propriété et le don de Dieu, sans
tenir compte du « plan de Dieu » sur l’humanité. Lorsque l’homme n’accepte plus
Dieu comme son bonheur définitif, son bien absolu, le sens de sa vie... il
cherche « en lui-même » ce bonheur, ce bien, ce sens. Mais c’est une illusion…
La
question du «refus de Dieu» demeure absolument actuelle. Cette question m’est
posée, à moi. Et il n’est pas possible de donner une réponse théorique. C’est ma vie qui répond, ou refuse. Il
n’est pas équivalent d’accueillir Jésus ou de le refuser... d’écouter
l’évangile ou de faire comme s’il n’existait pas... de vivre selon l’amour
absolu ou selon le non-amour... de rendre les fruits à Dieu ou de les garder
pour soi.
Frères et
sœurs, à travers cette parabole, nous découvrons la conscience que Jésus avait
de son rôle. Il a conscience d’être le «Fils», en se situant tout à fait à part
dans la série des prophètes venus avant lui. Il a conscience d’aller à la mort,
par fidélité à sa « mission » : envoyé par Dieu. Il a aussi conscience que son
œuvre ne peut pas échouer : malgré la mort du fils, la vigne finira bien par
rapporter du fruit pour Dieu.
Jésus leur
dit : « N’avez-vous jamais lu dans les Écritures : la pierre qu’ont rejetée
les bâtisseurs est devenue la pierre angulaire.»
Les
premiers chrétiens se sont heurtés à deux questions scandaleuses :
— Pourquoi
le Fils de Dieu a-t-il été tué ? — Pourquoi
« le peuple élu » l’a-t-il rejeté ?
C’est dans
l’Écriture, et donc dans la Foi, qu’ils ont trouvé la clé de cette double
énigme.
Le Psaume
118 avait annoncé que la pauvre pierre informe, rejetée par les maçons, jugée
inutilisable et livrée au rebut... devenait, dans le plan de Dieu, la belle
pierre importante, celle qu’on pose à l’endroit essentiel d’une construction,
à la jointure de deux murs, au faîte d’une voûte ! C’est de cette pierre que
dépend toute la solidité de l’édifice. Jésus se déclare clairement comme
l’élément essentiel du grand dessein de Dieu.
Frères et
sœurs, à travers cette parabole, nous constatons que Dieu veut à tout prix
sauver l’humanité et il y a mis le prix fort, en exposant son Fils, Bien-aimé.
Comme l’amour est toujours inventif, le Seigneur n’abandonne jamais. Aussi,
comme Dieu ne peut pas utiliser la force, ni la pression psychologique, le
Seigneur utilise sa méthode : la
patience.
Toutefois,
le Seigneur ne veut pas nous sauver sans notre adhésion et notre participation
à son projet. Dieu a donc besoin d’une foule de messagers, car celui qui a reçu
la Bonne Nouvelle se doit aussitôt de la proposer aux autres. On y mettra le
temps qu’il faudra. Dieu patiente, voulant que personne ne périsse mais que
tous arrive au repentir. Jésus lui-même ira jusqu’au bout, car l’amour
véritable ne regarde pas sa peine.
Frères et
sœurs, demandons au Seigneur de nous aider à être de vrais missionnaires de
l’Évangile. Gardons dans le cœur les paroles de l’apôtre Paul que nous venons
d’entendre dans notre 2e lecture : « Ne soyez inquiets de rien… mais prier et supplier afin de
faire connaître à Dieu vos demandes.
AMEN.
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