Homélie du 17 novembre 2019 – 33e TO


       Frères et sœurs à l’approche de la fin de l’année liturgique, l’Église nous propose de méditer sur le temps… en réfléchissant à la fin des temps. Il est frappant, en effet, de remarquer que, près de sa fin terrestre, Jésus a terminé sa prédication par un long discours « eschatologique ».
À l’époque de Jésus, le Temple de Jérusalem, unique au monde, était tout neuf. C’est une vingtaine d’année avant notre ère que le roi Hérode, en avait commencé la construction. Ses marbres, son or, ses tentures, ses boiseries sculptées faisaient l’admiration des pèlerins. On disait : « Celui qui n’a pas vu Jérusalem dans sa splendeur, celui-là n’a jamais vu la joie. Celui qui n’a jamais vu son sanctuaire, le Temple, celui-là n’a jamais vu une ville vraiment belle. » Et les disciples de Jésus, comme tout le monde, sont émerveillés…
Jésus leur dit : « Ce que vous contemplez, des jours viendront où il n’en restera pas pierre sur pierre : tout sera détruit ! »
Quelles seraient les réactions des pèlerins de Rome si, devant une foule de peuples assemblés devant la basilique Saint-Pierre, le Pape s’écriait : « Cette coupole de Michel-Ange, cette colonnade du Bernin, cet ensemble architectural du Vatican… il n’en restera pas pierre sur pierre… tout sera détruit… »
Nous devinons la stupéfaction et le scandale provoqués par cette prophétie de Jésus : ce sera un des chefs d’accusation devant le Sanhédrin lors de son procès (Mt 26,51).
Ainsi, loin de se mêler aux concerts d’admiration de ses disciples, loin de se laisser aller à la « fausse sécurité » de l’ensemble de l’humanité qui s’imagine toujours que les « choses dureront » telles qu’elles sont… Jésus annonce la fragilité et le côté éphémère des plus belles œuvres humaines : tout sera détruit ! Oui, un jour, le « temps » lui-même va finir.
Prenons le temps, ce matin frères et sœurs, de méditer sur « notre » fragilité… sur le caractère si court de la vie, de la beauté, de tout ! Tout ce qui finit est court. Il faut savoir regarder en face cette réalité de la fin… du vieillissement incessant de tout.. de la lente et inexorable « marche » de tous les vivants vers la mort.
Les disciples lui demandèrent : « Maître, quand cela arrivera-t-il, et quel sera le signe que cela va se réaliser ? »
C’est effectivement la question que nous nous posons toujours : quand ? Nous voudrions bien savoir la date. Nous croyons qu’il serait avantageux de savoir.
Jésus nous invite à ne pas nous laisser égarer… Il nous faut vivre, jour après jour, sans savoir l’heure… Jésus n’a absolument pas la préoccupation de la date. Son seul souci, au contraire, est que ses disciples soient en dehors de la fièvre apocalyptique et de toute spéculation sur le moment de la fin…
« Prenez garde de ne pas vous laisser égarer ! » nous répète Jésus.
Puis le second souci de Jésus, après celui de mettre en garde contre les « faux prophètes », c’est de dénoncer la peur : même les guerres, les soulèvements, les conflits, les tremblements de terre, les épidémies, les faits terrifiants… ne sont pas des signes de la « fin » et ne constituent pas une raison de s’effrayer.
Profond réalisme de Jésus : « Il faut que cela arrive. » Et tout cela arrive sans cesse à travers le monde… Les catastrophes historiques et cosmiques ici évoquées par Jésus font partie de tout un langage codé, que l’on appelle « apocalypses ». Ce genre littéraire stéréotypé est né en Israël précisément au moment où les grandes promesses des prophètes semblèrent décevantes. Le bonheur promis n’arrivait pas. Le peuple ami de Dieu était écrasé par les nations païennes.
Quel scandale ! Et quelle épreuve pour la foi ! Faut-il continuer à croire en ce Dieu ? C‘est alors que, prenant le relais des prophéties, les écrits apocalyptiques réaffirment le point central de la foi : Dieu est le maître de l’histoire. Mais il faut savoir attendre. Le message de l’apocalypse révèle l’avenir. Cet avenir est à Dieu. Le seul avenir de l’homme est en Dieu. Un jour, au jour de Dieu, toute l’histoire humaine aura un achèvement. Et cet avenir, absolument certain, permet de persévérer dans le présent… même au sein des bouleversements et des catastrophes.
Et nous, frères et sœurs, quelle est notre catastrophe ? devant laquelle Jésus nous dit : « Ne vous effrayez pas ! ». Nous aussi, nous sommes promis à un merveilleux avenir où nous serons heureux. Que cette attente, cette espérance, illuminent notre aujourd’hui !
Les apocalypses sont un signal d’espérance : « Croyez en moi, dit Dieu ! » Même quand les étoiles tombent, même quand les prophètes s’effondrent, même quand tout s’écroule humainement, il y a encore un avenir possible… Même quand la mort est là. Espérance radicale, absolue… non appuyée sur l’humain, mais sur Dieu !
«  Mais avant tout cela, on portera la main sur vous et on vous persécutera… Ce sera pour vous l’occasion de rendre témoignage. »
Nous devinons encore une fois que, pour Jésus, la seule vraie crainte des disciples devrait être de perdre la foi. Jésus annonce qu’avant la destruction de Jérusalem, donc très tôt, ses disciples seront persécutés. Quand l’évangéliste Luc écrit, c’était déjà arrivé… Dès le début des actes des apôtres, les membres de la jeune Église du Christ sont persécutés. Les persécutions jalonnent toute l’histoire de l’Église… encore aujourd’hui.
Et Jésus enfonce le clou, (si je puis me permettre cette expression), en nous disant : la persécution, l’épreuve de la foi, loin d’être une chose redoutable, c’est une sorte de chance : une occasion de « rendre témoignage » devant les persécuteurs, voire d’acquérir des mérites pour ceux qui nous veulent du mal.
Sommes-nous habités par cet optimisme foncier, radical, absolu ? Est-ce que, dans la foi, nous croyons vraiment que nous pouvons, avec l’aide de Dieu, tirer un avantage même des épreuves les plus douloureuses et les plus destructrices apparemment ?
«Mettez-vous dans la tête que vous n’avez pas à vous soucier de préparer votre défense… C’est par votre persévérance que vous obtiendrez la vie. »
Espérance. Patience. Joie malgré tout ! Mots divins, mots qu’on ne peut vérifier, mais qu’il nous faut croire ! Notre foi ne nous préserve pas de la mort, ni de la souffrance. Mais elle donne la vie et augmente en nous la foi !

En cet avant-dernier dimanche de notre année liturgique, demandons au Seigneur la grâce de la « clairvoyance » dans nos vies. Que nous sachions reconnaître la « présence » du Seigneur Jésus au cœur des événements que nous vivons et des personnes que nous rencontrons. Jésus vient à tout instant de notre vie « dans notre vie » mais nous appréhendons mal sa présence car son omniprésence, loin d’être oppressante est étonnement respectueuse de notre liberté à l’accueillir.
Seule la lourdeur de notre péché nous empêche de voir Jésus en tout. Demandons à l’Esprit Saint de nous donner la force nécessaire pour libérer notre cœur du mal qui l’encombre, en nous ouvrant au pardon que Dieu désire nous donner pour enfin mieux accueillir son infinie Miséricorde. Amen.

Commentaires

Posts les plus consultés de ce blog

Homélie du 16 juillet 2019 - ND du Mont Carmel

Homélie du 15 octobre 2017 - Sainte Thérèse d'Avila

Homélie du 14 décembre 2017 (St Jean de la Croix)