Homélie du 20 octobre 2019 - 29e TO
Jésus dit une parabole
pour montrer à ses disciples qu’il faut toujours prier sans se
décourager.
Ainsi,
frères et sœurs, nous ne sommes pas les premiers à nous heurter
aux difficultés de la prière. Les apôtres eux-mêmes « se
décourageaient ». Et Jésus était obligé de les reprendre, de les
encourager. Oui, il nous est arrivé de commencer à prier avec
générosité. Nous avons décidé d’y consacrer un peu de
temps chaque jour. Et puis, pendant quelques jours ou quelques
semaines, nous avons pris un passage d’évangile, et nous avons
loyalement essayé... Mais il ne s’est rien passé ! Nous nous
sommes heurtés au silence de Dieu. Les distractions ont envahi le
temps de notre méditation. Alors nous avons arrêté...
«
Il
faut prier sans cesse, sans se décourager !
» nous dis Jésus. Comme il nous est bon de savoir que Jésus,
lui-même, comprends nos difficultés. Nous aurions mille et une
raisons de ne pas prier. Toute l’ambiance de notre XXIe siècle ne
nous parle que d’efficacité immédiate, de rendement. La science
et la technique nous ont fait croire que l’homme était enfin
capable de tout, tout de suite. Et puis, nous courons, rongés par la
consommation et la vitesse. Nous n’avons plus le temps de nous
arrêter... sauf au moment de l’infarctus.
Et
puis, combien de fois n’avons-nous pas entendu des personnes nous
dire : « mais ça ne sert à rien de prier : vous voyez
bien que Dieu n’écoute pas vos prières... l’injustice continue
dans le monde. Alors, il vaut mieux se battre contre elle
concrètement que de perdre son temps à implorer « que le
Règne de Dieu vienne»... puisqu’il ne semble jamais venir ».
« Prier
sans cesse... toujours... continuellement... sans se décourager...
tenir dans la prière... avec courage et endurance...». Formules
extrêmement fréquentes sous la plume de
saint Paul.
A
travers cette parabole de « la veuve importune »,
Jésus a donc choisi, une fois encore, un exemple aussi noir que
possible, pour nous faire comprendre ce qu’il va dire. Un juge
oriental, seul à exercer sa fonction dans une petite ville, sans
contrôle supérieur, et qui peut faire traîner les procès à son
gré. Un homme qui ne craint ni Dieu ni diable, et qui méprise tout
le monde.
Face
à lui, une « veuve», le symbole même de ces pauvres sans recours
et sans ressources, voués à l’exploitation des riches «
adversaires »... une « femme » sans aucun appui juridique, sans
mari pour s’imposer...
Or,
voici, qu’en peu de mots, Jésus nous dresse le portrait d’un
égoïste cynique. S’il lui arrive de faire le bien, de « rendre
la justice », qu’on n’ait aucune illusion, qu’on n’imagine
pas que c’est un mouvement de bonté. Simplement un heureux
hasard a fait que le bien d’autrui coïncide avec son intérêt
propre. Il n’agit toujours que « pour lui ». En
noircissant le tableau avec une féroce ironie, Jésus veut pousser
jusqu’à l’extrême sa démonstration.
Tout le monde admet qu’un tel sinistre individu puisse exaucer une
pauvresse qu’il méprise... simplement pour qu’elle cesse de lui
« casser les pieds ».
Le
Seigneur ajouta : « Écoutez bien ce que dit ce juge sans justice.
Dieu ne fera-t-il pas justice à ses élus qui crient vers lui jour
et nuit ? »
Voilà
donc une parabole à contrastes, dans laquelle la leçon est à
prendre dans le « contraire » de l’exemple donné : Si un homme
aussi méchant et sans scrupule finit par exaucer une prière,
combien plus Dieu, qui est bon, est sensible aux prières des
pauvres.
Dieu ne fera-t-il
pas justice à ses élus ?
Quatre
fois, dans ces quelques lignes d’évangile, nous entendons Jésus
prononcer ces mots qui reviennent comme un refrain : « Faire justice
»... « Rendre justice »... Le juge, par sa profession, devrait
incarner la justice. La justice est l’une des plus hautes valeurs
de l’humanité... liée aux fameux « droits de l’homme ». Notre
foi chrétienne nous engage à défendre et à promouvoir la
justice.
Notre
prière ne peut être vraie que si nous recherchons la justice. Et si
nous ne « faisons pas la justice »... Jésus nous assure que Dieu,
Lui, « fera justice ».
Est-ce
qu’il les fait attendre, ses élus ? Je vous le déclare : sans
tarder, il leur fera justice.
C’est
au moment même de la « montée à Jérusalem », au moment où
Jésus est lucide et conscient qu’il marche vers son
injuste condamnation par des juges sans justice,
que Luc nous cite ces phrases de Jésus : « Dieu fera justice à ses
élus... Dieu exauce toujours promptement, sans tarder. »
Affirmation
apparemment paradoxale.
Quand nous nous plaignons de ne pas être exaucés, quand nous disons
que l’injustice continue à régner dans le monde... ne
sommes-nous pas invités à purifier l’idée que nous nous faisons
du triomphe de la justice ?
La
victoire de Dieu, la puissance de Dieu, doivent s’exercer
d’une toute autre manière que celle que nous attendons.
Nous sommes toujours tentés de préférer nos conceptions
humaines, nos conceptions à courte vue, à celles de Dieu. Nos
prières ressemblent souvent à une sorte de mise en demeure, où
nous demandons à Dieu de nous obéir. C’est
une fausse idole que ce Dieu « distributeur automatique » de
bienfaits et de grâces !
Quand nous avons l’impression de ne pas être exaucés, nous sommes
invités à communier à Jésus... qui a été exaucé autrement ! «
Que ce calice s’éloigne de moi...» Le calice des souffrances ne
s’est pas éloigné. Mais, par la mort, Jésus est passé à la
joie de la résurrection.
Nous
le savons pourtant par expérience : ce que nous demandons à Dieu
n’est pas toujours le meilleur. Nous ne pouvons pas pénétrer la
pensée du Seigneur. Où serions-nous si tous nos caprices d’enfants
ou d’adolescent avaient été exaucés ? Nous devons apprendre la
patience et accepter l’épreuve du temps : le rythme des
saisons, l’alternance du soleil et de la pluie et même les rafales
de vent, pour grandir. Que deviendrait un germe qui refuserait toute
épreuve au cours de sa croissance, et exigerait la récolte au
lendemain des semailles ?
Jésus,
lui, connaît le Père ! Il nous dit d’avoir confiance : « Je vous
le déclare, Dieu fera justice à ses élus qui crient vers lui nuit
et jour...»
Mais
le Fils de l’homme, quand il viendra, trouvera- t-il la foi sur la
terre ?
Au
lieu de « croyants » invoquant la bonté de Dieu, Jésus se heurte
à des « incroyants » qui ne prient ni de jour ni de nuit. La
formule est interrogative mais aussi douloureuse. N’arrivera-t-il
pas un jour où l’on ne se demandera même plus si Dieu exauce les
prières, ou non, car il n’y aura plus de prières ?
Douleur
de Jésus, douleur de Dieu... qui, à l’approche de sa mort
prochaine, n’a pas obtenu la foi de son peuple élu. Mystère de la
liberté humaine... qui peut refuser de croire, refuser de prier.
Nous
découvrons, soudain, que Jésus a éprouvé la douleur d’être
rejeté. Jésus est véritablement blessé devant le refus de sa
mission et de son message. Les élus eux-mêmes sont menacés
d’apostasier, d’abandonner la foi. Avoir
été baptisé est un atout mais n’est pas une assurance.
Dieu, lui, ne nous manque jamais. Mais nous ? Question écrasante. «
Quand il viendra, le Fils de l’homme trouvera-t-il la foi sur la
terre ? » Aurai-je encore la foi, demain ? Le jour où je mourrai ?
le jour où Jésus viendra à ma rencontre ?
Après
nous avoir répété que Dieu est bon et exauce toujours la
prière, Jésus nous découvre la vraie raison de nos déceptions :
le
manque de foi.
Comment dissiper nos manque de foi : priez
sans se lasser, prier avec persévérance, prier avec confiance.
Le même avertissement sévère est souvent répété dans
l’évangile. On parle souvent aujourd’hui
de
« crise de la foi ». Jésus déjà en parlait. La tentation de
l’abandon de la foi n’est pas propre à notre époque. Que
ferai-je, dès aujourd’hui, pour nourrir ma foi ? Demandons
humblement au Seigneur ce matin la grâce de la fidélité et de la
persévérance dans la prière. AMEN.
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