Homélie du 19 mai 2019 - 5e TP
Frères et
sœurs, un mois après la Semaine Sainte, l’évangile de Jean nous fait revenir au
Cénacle, lors de la dernière Cène, pour écouter de nouveau le testament spirituel
de Jésus (Jn 13). Nous sommes comme les membres des toutes premières
communautés johanniques, assis aux pieds du « disciple
que Jésus aimait », pour recevoir le souvenir des derniers
enseignements du Maître. Notre héritage est ce « commandement nouveau », cette
invitation pressante à l’amour mutuel : « aimez-vous
les uns les autres comme je vous ai aimés ».
Les lectures
nous ont présenté plusieurs aspects de la nouveauté établie par le Christ ; il
nous faut cependant remonter plus haut et voir que la nouveauté est le Christ lui-même, et croire que sa Personne -
avant même son mystère pascal - est la
source de toute nouveauté. Le Christ, deuxième personne de la Trinité,
sorti du sein de Dieu, a apporté, par son incarnation, toute nouveauté. Dès lors,
nous pouvons dire que la Jérusalem
nouvelle est déjà
descendue d’auprès de Dieu, en la personne de Jésus au moment de l’Incarnation.
Nous sommes donc invités ainsi à la contemplation de la Jérusalem nouvelle, déjà présente sur cette terre, en nous-mêmes
et dans l’Église. En effet, nous formons les pierres vivantes de la Cité
sainte en cours de construction, à l’image de la pierre qu’est le Christ.
Contempler l’avènement de la Jérusalem céleste, ce n’est donc pas attendre un
spectacle extérieur, tellement lointain qu’il en devient hypothétique : c’est voir sa réalisation s’opérer en nous,
en accueillant le Christ, et comprendre que nos vies construisent dès
aujourd’hui cette Cité. C’est aussi la voir s’édifier entre nous et au
milieu de nous en Église, par les relations de charité. De tout cela, saint
Pierre donne un résumé en jouant sur le nom que Jésus lui- même lui a donné :
« Approchez-vous de lui, la Pierre vivante, rejetée par les hommes,
mais choisie, précieuse auprès de Dieu. Vous-mêmes, comme pierres vivantes,
prêtez-vous à l'édification d'un édifice spirituel, pour un sacerdoce saint, en
vue d'offrir des sacrifices spirituels, agréables à Dieu par Jésus Christ. » (1P 2,4-5).
De cette
réalité de la Jérusalem céleste, Marie a été la première bénéficiaire et la première
collaboratrice. Elle a été la première à dire oui, la première chez qui Dieu a
fait sa demeure. C’est pourquoi elle est Mère
de l’Église, le titre que lui a décerné le Concile Vatican II.
Les
épousailles entre Dieu et son Peuple seront grandioses à la fin des temps,
certes, mais elles ont aussi déjà eu lieu dans le sein de Marie. Nous y sommes
tous nés spirituellement. Son oui englobe par avance tous nos oui ; le sein de
Marie est notre berceau spirituel et les épousailles se prolongent pendant
toute l’histoire de l’Église.
Le oui parfait
de Marie, que nous sommes appelés à faire nôtre, est une autre manière
d’exprimer le Commandement
nouveau de l’évangile : notre offrande d’amour pour le prochain,
quotidienne ou héroïque, fait de nous des demeures
de Dieu (Ap 21), selon la parole de Jésus en saint Jean : « Si quelqu'un m'aime, il gardera ma
parole, et mon Père l'aimera et vous viendrons vers lui et nous nous ferons une
demeure chez lui » (Jn 14,23).
L’Apocalypse
nous offre cette vision d’espoir : « Il
n’y aura plus ni deuil, ni cri, ni douleur... » (Ap 21,4) ; une
vision qui contraste fortement avec notre expérience personnelle de la vie,
marquée par la souffrance et par la mort. Est-ce à dire que la Jérusalem nouvelle ne
s’ouvrira pour nous qu’à la fin des temps ? Cette perspective ne serait-elle
qu’un palliatif pour supporter le monde présent en attendant qu’il disparaisse
? Ou bien cette réalité a-t-elle déjà commencé à poindre, à notre insu, comme
le suggérait déjà Isaïe en nous prenant à témoin : « Voici que je fais un monde nouveau :
il germe déjà, ne le voyez-vous pas ? » (Is 43,19).
En fait, nous
vivons déjà, en partie, dans cette Cité sainte ; nous en voyons les signes dans
notre vie et celle des autres, si nous sommes attentifs. Elle est présente dans
ce monde, dans la cité des hommes, mais elle n’est pas encore totalement
accomplie ; et sa force, qu’elle reçoit du Christ Ressuscité, change peu à peu
la face de la terre, l’élevant au Ciel. Notre vie, dans cette perspective,
change totalement d’orientation. Le Catéchisme nous décrit ainsi le Peuple de
Dieu que nous formons, en montrant son originalité et en faisant apparaître le
rôle du Commandement de l’amour
que nous avons lu dans l’évangile :
« Le Peuple de Dieu a des caractéristiques qui le distinguent
nettement de tous les groupements religieux, ethniques, politiques ou
culturels de l’histoire : Il est le Peuple de Dieu. Dieu n’appartient en propre
à aucun peuple. Mais Il s’est acquis un peuple de ceux qui autrefois n’étaient
pas un peuple : ‘une race élue, un sacerdoce royal, une nation sainte ’ (1 P 2,
9). [...] La condition de ce
Peuple, c’est la dignité de la liberté des fils de Dieu : dans leurs cœurs,
comme dans un temple, réside l’Esprit Saint. Sa loi, c ’est le commandement nouveau d’aimer comme le
Christ lui-même nous a aimés (cf. Jn 13, 34). C’est la loi nouvelle de l’Esprit
Saint (Rm 8, 2 ; Ga 5, 25). Sa
mission, c’est d ’être le sel de la terre et la lumière du monde (cf.
Mt 5, 13-16). Il constitue pour tout le genre humain le germe le plus fort
d’unité, d ’espérance et de salut. Enfin, sa
destinée, c’est le Royaume de Dieu, commencé sur la terre par Dieu
lui-même, Royaume qui doit se dilater de plus en plus, jusqu à ce que, à la fin
des temps, il soit achevé par Dieu lui-même. » (CEC n° 782)
Comment
prenons-nous notre part de l’édification de la Jérusalem céleste sur cette
terre ? Quelle est notre manière de pratiquer le commandement nouveau ? Pour le
savoir, nous pouvons faire le bref examen suivant :
·
Est-ce que je cherche à aimer comme le
Christ, c'est-à-dire en donnant concrètement ma vie pour le bien de l’autre, et
sans me contenter de simples sentiments et bonnes paroles ?
·
À quoi est-ce que j’ai renoncé, et je
renonce aujourd’hui, pour le Christ et pour autrui ?
·
La charité parfaite passe par les conseils
évangéliques : est-ce que je pratique généreusement les conseils évangéliques
de pauvreté, chasteté, obéissance ou humilité selon mon état de vie ?
Aimer comme le
Christ, c’est aimer mes proches, et ceux qui me sont confiés, ainsi que les
inconnus placés sur ma route, d’un amour de bienveillance et avec un esprit de
sacrifice, et non par de simples sentiments confortables pour moi. C’est aimer de manière inconditionnée et
sans retour. C’est aimer ceux qui me font du tort, ne m’aiment pas ou pour
qui je n’ai pas de sympathie ni d’attirance particulière, sans exclure
personne, et quoi qu’il m’en coûte moralement et matériellement.
Aimer comme Jésus, ce n’est ni doucereux, ni confortable, c’est donner sa vie.
Nous sommes
donc arrivés au sens le plus profond du commandement
nouveau de Jésus : « Aimez-vous
les uns les autres comme je vous ai aimés », car c’est ainsi que
l’Église vit sur cette terre, que nous sommes engendrés à la vie divine, que la
Cité sainte descend du Ciel.
« Comme je vous ai aimés »
: une parole qui nous donne le seul exemple à suivre, la qualité et la mesure
de l’amour demandé, à une époque où tant de comportements se cachent derrière
ce mot sans refléter cette réalité. Un critère donc pour savoir si nous sommes
dans l’amour : Jésus agirait-il ainsi
? Cette parole de Jésus est aussi une invitation à vivre le mystère de
la Croix, pour offrir notre vie chaque jour. Car c’est l’union à l’Agneau
immolé qui nous fait participer aux épousailles mystiques. Amen.
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