Jeudi 25 mai 2017 - Ascension du Seigneur


     
    Frères et sœurs, comme je vous le disais au début de cette messe, le passage d’évangile de Matthieu ne nous parle pas à proprement parlé de l’événement de l’Ascension mais de l’omniprésence de Jésus. Cette dernière page de l’évangile de Matthieu est très importante, c’est en quelque sorte le résumé et la clef de son évangile.  Tous les mots portent. Recueillons-les ensemble.
Les onze disciples...
Ils étaient «onze», seulement onze ! Si peu... pour une si grande tâche. Onze, et non pas douze, comme nous y étions habitués depuis le début de l’évangile. Une bien pauvre Église, en vérité... un tout petit groupe, amputé par la défection de l’un d’entre eux. Ce n’est pas seulement d’aujourd’hui qu’il y a des désertions et des apostasies.
«Onze disciples »... Matthieu les appelle des «disciples», et pas des «apôtres». Cela ne peut être qu’intentionnel. Ils ne sont pas situés, ici, dans la condition de gens chargés d’une autorité particulière. Être «disciples», c’est, tout simplement, la condition commune de tous ceux qui suivent Jésus, qui sont ses « compagnons ». Disciple ? Vous et moi, chacun d’entre nous… Sommes-nous des disciples du Christ ? N’oublions jamais que Judas a manqué le rendez-vous...

Puis Matthieu nous indique ... Ils s’en allèrent en Galilée...
L’insistance sur ce lieu de « rendez-vous » est pleine de sens, pour Matthieu, qui n’hésite pas, pour lui donner une valeur plus grande, à en faire la seule apparition officielle... faisant silence sur toutes les apparitions qui se sont passées à Jérusalem racontés avec force de détail dans les autres récits évangéliques.
Galilée ! Rendez-vous fixé par Jésus lui-même après son dernier repas : « Une fois ressuscité, je vous précéderai en Galilée» (Matthieu 26/32). Rendez-vous repris par l’ange au tombeau vide : « Allez dire à ses disciples qu’il les pré­cède en Galilée : c’est là qu’ils le verront» (Matthieu 28/7). Galilée ! Terre dont Matthieu avait pris soin de donner la signification symbolique dès le début du ministère de Jésus dans cette province, en citant une prophétie : « Galilée des païens... une lumière se lève sur ceux qui habitaient le sombre pays de la mort ! » (Matthieu 4/15 = Isaïe 8/23 - 9/1 ). Galilée ! Province aux peuples mélangés, pays méprisé par les purs de Jérusalem, pays ouvert sur les autres, sur les nations étrangères. Terre de contact, où se mélangent croyances et incroyances. Enfin, Galilée ! Terre de l’enracinement humain de Jésus de Nazareth : il faisait corps avec ce pays ; il était un « galiléen ».
« Que peut-il sortir de bon de Nazareth ? » (Jean 1/46). Invitation, pour nous, à ne pas rêver de je ne sais quel « ailleurs » : ah, si j’avais un autre foyer ! si j’étais dans un autre collège ! si mes collègues de travail étaient ceci ou cela ! Si ma paroisse était plus ceci ou cela ! C’est dans notre propre Galilée que Jésus nous donne rendez- vous.

Ils s’en allèrent en Galilée... à la montagne où Jésus leur avait ordonné de se rendre..
La «montagne», dans toute la Bible, est le lieu symbolique de la rencontre de Dieu, et de la révélation de Dieu. Là-haut, on voit loin... plus loin que dans la plaine ! Là-haut, on respire plus large... plus pur que dans les pollutions des villes ! Là-haut, on est plus seul... plus capable d’écouter les voix du silence, habituellement submergées par le bavardage de paroles creuses et inutiles ! Montagne du Sinaï, où l’homme, pour la première fois rencontra le Dieu Unique. Montagne des Béatitudes (Matthieu 5/1). Montagne de la Transfiguration (Matthieu 17/1). Montagne où Jésus guérit (Matthieu 15/29). Montagne de la prière (Matthieu 14/23). Montagne des pains partagés (Matthieu 15/32).
Comment le Christ ressuscité ne se serait-il pas manifestée sur la mon­tagne? (Matthieu 28/16).
Et nous, frères et sœurs ? Avons-nous des rendez-vous sur « la montagne où Jésus t’ordonne de te rendre » ?

Quand ils le virent, ils se prosternèrent, mais cer­tains eurent des doutes.
Adorer. Douter. Deux mots apparemment totalement opposés, rassemblés par Matthieu dans la même phrase. Oui, même sur la montagne, il y a place pour cette réalité redoutable qu’est le doute. L’adoration est une victoire sur le doute. La foi est un acte libre, très différent des évidences contraignantes de la science. L’évangile est modeste… Tous les récits d’apparitions pascales ont ce trait commun : Jésus ressuscité n’est pas «évident» ; on hésite à le reconnaître. Pour ceux qui cherchent et qui doutent, demandons au Seigneur la grâce de découvrir l’adoration.
Puis, Jésus s’approcha d’eux... et leur adressa ces paroles :
Dans l’évangile de Matthieu, un seul autre cas nous montre Jésus s’approcher de ces apôtres : c’était à la Transfiguration. La distance du « divin » est telle, pour l’homme, qu’il est nécessaire que Dieu vienne à nous. Nous n’avons pas en nous (subjectivement) la capacité de croire. A Dieu appartient l’initiative. A nous appartient la liberté de répondre par l’adoration au geste d’approche du Seigneur.
Dans ce récit pascal de Matthieu, nous remarquons l’extrême discrétion : aucun détail concret... Seulement, Jésus s’approche et parle ! L’évangile de Matthieu tout entier a été caractérisé par une insistance sur les discours de Jésus : le Christ de Matthieu est un Christ qui parle.


Cinq grands sermons ont rythmé l’évangile de Matthieu.

Voici donc l’apothéose et la conclusion : ce sera le der­nier mot de Jésus !

TOUT pouvoir m’a été donné au ciel et sur la terre...

            Cette formule affirme l’égalité de Jésus avec Dieu. Dans tout l’Ancien Testament, c’est en effet Dieu seul qui est le « Seigneur du ciel et de la terre »... l’univers visible et invisible.

Cette formule, sans décrire l’Ascension en termes visuels, suppose bien la réalité d’un Jésus monté au ciel et domi­nant désormais tout le cosmos. Il ne s’agit pas, bien sûr, de chercher Jésus parmi les astres, dans le «ciel étoilé». La formule indique seulement une idée de totalité : rien ne peut se soustraire au pouvoir divin. Jésus ressuscité est désormais le Seigneur de tout le créé !

Quand, sur le pain et le vin, Jésus dit « ceci est mon corps et mon sang », Il ne fait que nous donner le « signe» efficace de sa puissance divine sur la matière et le cosmos... et donc sur chacun de nous, qui devenons réellement « son Corps ».

            Et Paul, dans la première lecture de ce jour, affirme cette même puissance : « c’est la force même, le pouvoir, la vigueur, que Dieu a mise en œuvre dans le Christ quand il l’a ressuscité d’entre les morts, et qu’il l’a fait asseoir à sa droite dans les cieux : il a fait de Lui la tête de l’Église qui est son Corps!» (Ep 1,17.23). Oui, nous sommes le Corps du Christ ! Ce qui fait dire à Paul que « Dieu nous a ressuscités, et nous a fait asseoir avec lui dans les cieux » (Ep 2,5.6). Nos liturgies ne célèbrent pas seule­ment des souvenirs du passé, des anniversaires : elles nous font anticiper les merveilles des Derniers Temps. Paul sait très bien que ceux à qui il écrit ne sont encore pas « assis au ciel ». Ecrasés d’épreuves, ils se savent mortels. Pourtant leur propre « ascension » au ciel est déjà anticipée, dans la foi au Christ.

Cela ne devrait-il pas nous donner toute une manière de vivre, et de célébrer ?

Allez donc ! De TOUTES les nations faites des disciples…

Après la totalité du pouvoir, voici évoquée la totalité du champ d’action du Christ à travers son Corps, c’est-à-dire ses disciples. Jésus, un jour, sur la montagne de la ten­tation, avait refusé de recevoir de Satan « tous les Royaumes avec leur gloire» (Matthieu 4/8.10). Mainte­nant, c’est bien l’univers entier que Jésus envisage de conquérir pacifiquement, à travers ces «onze» hommes. Toutes les nations. Tous les hommes ! Jésus voit grand car il est venu sauver tous les hommes.

Baptisez-les au nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit.

Impressionnante opération, qui veut « plonger » l’humanité dans un espace nouveau qu’est la Trinité des personnes divines... l’amour interpersonnel le plus limpide qui puisse exister... « à plusieurs ne faire qu’un ». C’est bien là, le rêve même de tout amour !

Et apprenez-leur à garder TOUS les commande­ments que je vous ai donnés.

C’est donc aussi la totalité de l’agir humain qui doit se soumettre à la seigneurie du ressuscité. Être disciple n’est pas d’abord une attitude intellectuelle. La catéchèse n’est pas d’abord la transmission de notions, mais l’apprentissage d’une manière de vivre qui englobe tous les aspects de la vie.

Et moi, Je suis «avec vous» TOUS les jours, jusqu’à la fin du monde.

La présence du Seigneur ressuscité, qui remplit tous les lieux de la terre, embrasse donc aussi la totalité du temps ! L’ange avait annoncé à Joseph, au début de l’évangile : « On lui donnera le nom d’Emmanuel, ce qui signifie « Dieu-avec-nous » (Matthieu 1/23). Tout l’évangile de Matthieu est donc inclus dans cette pensée.

Extraordinaire invitation : si Dieu est présent tous les jours, à tout instant du temps... pouvons-nous dire, de notre côté, que nous sommes, nous, présents à Dieu ?

            En cette solennité de l’Ascension, demandons ce matin au Seigneur Jésus de nous illuminer de sa présence, de son compagnonnage à nos côtés comme il qui nous l’a promis. Que nous puissions vivre dans l’action de grâce des bienfaits de cette présence du Christ à nos côtés.                    AMEN.

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