Dimanche 14 mai 2017 – 5e Temps Pascal




            Avant de passer de ce monde à son Père, Jésus disait à ses disciples : « Ne soyez donc pas bouleversés... »
            La page d’évangile que nous venons d’entendre se situe le soir du Jeudi Saint à la fin du dernier repas de Jésus. Effectivement, l’atmos­phère du groupe des disciples est tragique : Jésus vient d’annoncer la trahison de Judas, qui est sorti de la salle, dans la nuit  (Jean 13/21.30)... puis Jésus a dit qu’il « s’en allait » et que ses amis ne pourraient pas le sui­vre là où il partait (Jean 13/31.36)... enfin, comble de l’an­goisse, Jésus a osé prédire à Pierre qu’il allait le renier « trois fois» pendant la nuit, avant le chant du coq (Jean 13/37.38)... On comprend donc l’affreuse anxiété qui tenaille les cœurs et les pensées des apôtres.
            Ainsi, dans nos vies, à certaines heures, des peurs horribles s’abattent sur nous. Un avenir incertain, un han­dicap insurmontable apparemment, les diminutions de la vieillesse, une maladie incurable. Et puis aussi les craintes collectives : le chômage, la violence, la surpopulation, la faim, la pollution de notre belle nature, les tensions sociales et les risques de guerre. Et, sur ce fond de crise, les graves questions que tous les vrais croyants se posent : les grandes valeurs humaines ne sont-elles pas en train de s’affadir ? L’humanité de demain croira à quoi ?
            Et un vent de panique gagne même les plus fidèles, et l’on murmure que rien ne va plus dans l’Église non plus.
            C’est sur un contexte humain de ce genre que l’invincible optimisme de Jésus jaillit comme une vive et claire flamme dans la nuit ! Il est à quelques heures de sa croix, et c’est lui qui essaie de remonter le moral de ses amis : « Ne soyez donc pas bouleversés ! » Écoutons les raisons qu’il va nous donner pour ne plus avoir jamais peur... de rien.

            Vous, croyez en Dieu, croyez aussi en mol..
            A ses amis angoissés, Jésus demande de tourner leurs regards dans une unique direction : la Foi. La paix pro­fonde de Jésus, celle qui surpasse toute peur, ne s’appuie pas sur l’humain, mais sur Dieu. Tout, absolument tout, peut s’écrouler, Jésus garde un fantastique recours qui est hors des prises de toute force destructrice. La mort même ne peut détruire sa paix : sa paix ne vient de rien d’humain, elle vient de Dieu !
Nous remarquons d’ailleurs que Jésus demande, envers sa propre personne, un acte de Foi identique à celui qu’on peut avoir envers Dieu. La rationalité humaine éclate sous la pression inconcevable de l’infini divin : comment Jésus, qui est Dieu, peut-il parler de Dieu comme d’un autre que lui-même ? Et cela donne cette formule étonnante: «vous croyez en dieu... Croyez aussi en moi...» Qui est-il donc, pour parler ainsi ?

                                               La  « maison de mon Père » peut être la « demeure » de beaucoup de monde, sinon est-ce que je vous aurais dit : «Je pars vous préparer une place.»
            Oui, c’est l’inaccessible mystère de l’incarnation, Jésus, comme homme, se distingue sans cesse de Dieu ! Il parle de Dieu, comme si c’était « un Autre». Il parle du Père. Jamais Jésus n’a tourné les regards des hommes vers lui- même. Jamais Jésus n’a attiré vers sa propre personne les hommages ou l’adoration : il est tout entier tourné vers un Autre... et il désire nous tourner vers cet Autre, le tout Autre, celui que «personne n’a jamais vu», le Père.
            Ainsi, sa mort, son départ de ce monde, Jésus l’envisage comme un « retour à la maison » : il va y retrouver quel­qu’un qu’il aime et qui l’aime. Jésus se sait aimé…

            Quand je serai allé vous la préparer, je reviendrai vous prendre avec moi.
            Ce sont des mots d’une tendresse inouïe : « revenir… prendre avec soi... ». Dieu, qui est bien le Tout-Autre, l’inac­cessible, est aussi le Tout-Proche, l’intime. Nous n’avons pas un Dieu indifférent et froid, mais un Père plein de ten­dresse, un Frère qui se laisse blesser par nos angoisses et qui nous dit des mots de consolation et d’amitié.

            Et là où je suis, vous y serez vous aussi.
            Ne passons pas trop vite sur ces mots apparemment si simples et si naïvement familiers. Toute une théologie s’exprime à travers cette révélation. En osant dire «là où Je Suis, vous y serez vous aussi», Jésus ouvre à l’huma­nité une perspective aux résonances infinies, surhumaines, surnaturelles: c’est bien «la vie divine» qui nous est offerte. Le but de l’humain n’est pas dans l’humain, mais en Dieu ! L’humanité s’en va vers «là où» est Jésus. L’homme est programmé pour devenir « comme Dieu ». On comprend qu’il dise: « Que votre cœur ne soit pas bouleversé ! »

             « Moi, je suis le Chemin, la Vérité, la Vie ; personne ne va vers le Père sans passer par moi. »
            Pour Jésus, l’horizon n’est jamais bouché, désespérant. Pour le croyant, celui qui accepte les paroles de Jésus, l’histoire a un sens, la vie n’est pas absurde. Jésus est Celui qui nous ouvre le chemin, celui qui a ouvert une issue à la finitude et à la mortalité humaine. Sans le Christ, l’homme est « enfermé » dans ses limites. Avec lui, et avec lui seul, affirme-t-il, un chemin existe qui ne conduit pas au trou noir de la tombe, mais vers la «maison du Père».

            Puisque vous me connaissez, vous connaîtrez aussi mon Père. Dès maintenant, vous le connaissez, et vous l’avez vu.»
         Cette phrase de saint Jean est une de celles où éclate l’indicible de Dieu, cette «révélation» qui reste en partie «inconcevable»: lumière... mais qui reste une sorte de lumière nocturne... lumière de foi.
         En effet, cette phrase cumule deux affirmations apparem­ment contradictoires : vous «connaîtrez» Dieu (au futur)... vous «connaissez» Dieu (au présent)... .
         Il est bien clair que Dieu n’est pas évident, et que nous ne le connaissons pas, au fond. On pourrait même dire que nous le méconnaissons ! Et c’était bien une sorte de doute, d’incertitude, qui surgissait dans la question de Thomas : «nous ne savons pas...». Notre situation actuelle est bien celle-là. Nous connaîtrons peut-être un jour Dieu. Notre ignorance sur Lui, d’aujourd’hui, se changera, dit Jésus, en connaissance : vous le connaîtrez !
         Or voici qu’en Jésus, ce présent de méconnaissance de Dieu subit le « choc du futur » à tel point que les réalités à venir sont déjà actuelles : « dès maintenant, vous connaissez Dieu et vous l’avez vu !».
         Le futur est anticipé pour tous ceux qui croient en Jésus : les « derniers temps » sont déjà là, quoique pas encore achevés. L’Église, demeure des croyants, est déjà la «demeure de Dieu parmi les hommes» (Ap 21,3).

         Philippe lui dit: «Seigneur, montre-nous le Père; cela nous suffit.» Jésus lui répond: «Il y a si long­temps que je suis avec vous, et tu ne me connais pas, Philippe ! Celui qui m’a vu a vu le Père. Comment peux-tu dire : “ Montre-nous le Père ? ” 'Tu ne crois donc pas que je suis dans le Père et que le Père est en moi ! »
            Nous venons d’entendre, tout à l’heure, Jésus se distin­guer du Père. Voici maintenant qu’il semble s’identifier à Lui. Jésus va « vers le Père », il est « le chemin qui conduit au Père »... et, en même temps, il est « dans le Père », et « qui voit Jésus, voit le Père». Jésus est bien un homme, mais un homme «rempli de Dieu», un homme-Dieu ! Il faut nous laisser imprégner par ces mots invraisembla­blement simples : « je suis en Dieu, et Dieu est en moi... Je suis dans le Père, et le Père est en moi...».


            Frères et sœurs, en ce mois de mai, mois de la Vierge Marie, demandons à notre Mère du Ciel de nous accompagné sur notre chemin de foi. Si « Marie retenait les paroles de Jésus et les méditer dans son cœur » c’était afin de mieux ajuster sa vie à la volonté de Dieu. Demandons, simplement et humblement, ce matin cette grâce les uns pour les autres.                                                                                  Amen.

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