Homélie du 28 avril 2019 - 2e Pâques


            Frères et sœurs en ce 2e dimanche de Pâques, nous célébrons la divine Miséricorde face à l’incrédulité de l’apôtre Thomas. Nous sommes invités en ce dimanche à accueillir le Christ ressuscité.

            Alors, si le matin de Pâques, tout est nouveau dans le jardin où Jésus rencontre Marie Madeleine, et l’on ressent encore la fraîcheur de leur rencontre (« Rabbouni ! » Jn 20,16), il faut bien reconnaître que le soir de ce même jour, les disciples n’ont pas encore été touchés par cette nouveauté, enfermés qu’ils sont dans le Cénacle, prisonniers de leur peur et des images traumatisantes de la Passion.
            Le Seigneur leur apparaît et tout recommence de nouveau : comme une nouvelle créa­tion, une nouvelle naissance, un nouveau ministère qui les attend.
            Revenons au jour de la création de l’homme : « Le Seigneur Dieu modela l’homme avec la glaise du sol, il insuffla dans ses narines une haleine de vie et l’homme devint un être vivant. » (Gn 2,7) ; de même au Cénacle, Jésus souffle sur les disciples. Ces hommes qu’il a tirés de leur vie ordi­naire en Galilée, et qu’Il a formés pendant sa vie publique, il leur confère maintenant une nouvelle vie dans l’Esprit, et la mission de répandre la Miséricorde. Leur ministère est une nouvelle autorité donnée sur le monde, comme Adam avait reçu la terre à dominer (Gn 1,28).
            Comme au premier jour de la Genèse, le chapitre 20 de St Jean nous propose un matin et un soir. Il évoque aussi un autre commencement, le huitième jour qui représente la fin des temps et la Parousie. Par ailleurs, deux personnages dominent le récit, Marie Madeleine et Thomas, un homme et une femme, entourés d’un groupe humain en constitution. Jean nous propose donc une vision en raccourci de la nouvelle humanité en quête de Dieu, qui renaît avec le Christ.
            Au matin de Pâques, Dieu recrée le monde et envoie les croyants en mis­sion ; il les fait progressivement croître dans la foi jusqu’à la rencontre plénière avec lui. Pour certains commentateurs, Thomas symbolise l’homme arrivé au terme de la foi, la vision de Dieu ; il incarne aussi le peuple juif qui ne croira pleinement qu’à la Parousie en voyant le Messie glorifié.
           La nouveauté de la Résurrection est aussi une nouvelle naissance, pour Jésus (son corps est désormais glorieux) comme pour l’Église (qui reçoit l’Esprit), et pour chaque croyant ap­pelé à « renaître de l’eau et de l’Esprit » (Jn 3, 5).

            Nouvelle création, nouvelle naissance : dans les deux cas, les femmes jouent un rôle im­portant, puisqu’elles transmettent la vie nouvelle. Leur amour de Jésus, si profond, les amène à être les premières à accueillir le Christ ressuscité…
            Marie Madeleine et l’apôtre Thomas : quelle différence entre le cœur féminin qui cherche et s’attache à son Seigneur, et l’esprit masculin qui doit toucher pour arriver à croire ! Marie a placé l’amour à la première place, elle ne vit que de l’amour de Jésus pour elle, et c’est pourquoi son cœur accueille dès le début la nouveauté de la Résurrection…

            « Cesse d’être incrédule, sois croyant ! » Jésus semble donner à Thomas l’étrange ordre de croire… Forcer à croire ? On pourrait en effet penser que, devant la présence physique du Ressusci­té, Thomas n’a pas eu d’autre choix que de croire. Mais ce n’est pas ce que nous enseigne l’Évangile.
            La foi reste toujours un choix, une liberté, qu’aucune preuve ne peut forcer.

            Aujourd’hui comme alors, croire à la résurrection n’est pas si facile. De tous les mystères de la vie du Christ, la résurrection est le seul que nous ne puissions pas rattacher à une expé­rience humaine connue. Nous peinons donc à saisir de quoi il s’agit : mais le Christ nous demande-t-il de comprendre ce mystère ? En demandant à Thomas, et à nous tous, d’être croyant, Jésus nous invite plutôt à adhérer au mystère de sa personne, et à son amour pour nous, sous l’inspiration de l’Esprit.
            « Cesse d’être incrédule, sois croyant ! » : nous enten­dons dans la voix du Christ la force d’une invitation aussi pressante que son amour. La foi est une œuvre divine en nous, à laquelle nous acquiesçons…
            Autre difficulté pour nous : l’accueil de la miséricorde, dimension suprême de l’amour. Nous avons beaucoup de mal à reconnaître notre péché, notre petitesse devant Celui qui peut tout. Nous cherchons à prouver notre valeur plutôt qu’à être accueillis tels que nous sommes. Si nous demandons pardon - ce qui est déjà rare - nous sommes ensuite blessés dans notre orgueil ; nous aimerions être parfaits plutôt qu’être pardonnés.
            Ayant nous-mêmes du mal à pardonner, nous peinons à croire que Dieu qui est Saint, puisse nous pardonner vraiment. Comme Adam et Eve après la chute, nous nous ca­chons (Gn 3, 8) plutôt que laisser Dieu nous habiller des tuniques de la miséricorde (Gn 3, 21). Et si nous accueillons son pardon, nous ne parvenons pas à nous pardonner à nous-même, bloquant ainsi l’œuvre de Dieu.
            C’est toute cette dimension de repli sur nous - les portes fermées du Cénacle au soir de Pâques - que le Seigneur veut venir guérir. Pour cela nous ne devons pas avoir peur d’aller à lui et de nous livrer à sa Miséricorde. Pierre en a fait l’expérience lors du lave­ment des pieds et Thomas, qui a certes douté, n’a pas hésité, le moment venu, à mettre ses mains dans les plaies du Christ et à entendre son exhortation à croire…
            Saint Grégoire le Grand trouve ainsi dans cette scène une immense valeur pour nous :
            « L’incrédulité de St Thomas a bien plus aidé notre foi que la foi des autres disciples. Du fait qu’ il retrouve sa foi en touchant de ses doigts nous sommes nous-mêmes affermis dans notre foi parce que tous les doutes sont écartés. Le disciple qui a douté et touché est ainsi devenu témoin de la réalité de la résurrection. »
            Nous pouvons alors adresser à Jésus une prière comme celle-ci :
            « Seigneur Jésus, tu écoutes notre désir de te voir et de te toucher, tu connais nos hésitations et nos doutes et tu ne les juges pas. Ton amour est compréhensif comme l’est ta patience et la condes­cendance de ta Miséricorde. Tu nous envoies aussi de nombreux signes à travers tes plaies que nous pouvons toucher dans ton Corps, l’Église, dans ces membres souffrants qui souvent té­moignent si profondément ta Présence. Ouvre notre cœur et notre esprit à ces signes ! »

                Frères et sœurs, le Seigneur nous invite à nous approcher de lui avec un cœur sincère et ouvert, dans la prière et les sacrements. Il nous demande de ne pas nous dérober à ce contact.
            C’est bien cela qui a amené saint Jean-Paul II à consacrer le deuxième dimanche de Pâques à la Miséricorde : La révélation de la Divine Miséricorde à Sainte-Faustine est la prolongation de celle du Sacré-Cœur, faite trois siècles plus tôt, à Sainte Marguerite-Marie.
            Dans un monde qui était gagné par le jansénisme et oublieux du Dieu d’amour au XVIIe siècle et dans un monde en proie à des idéologies de haine de Dieu et des hommes au XIXe et XXe siècles, le Christ nous rappelle en ce dimanche de Pâques : « Mets ta main dans mon côté, cesse d’être incrédule, sois croyant ! ». Puissions-nous lui répondre avec générosité : « Jésus, j’ai confiance en Toi ! ».    Amen.

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